La destruction des Allemands ethniques et des prisonniers de guerre allemands en Yougoslavie: 1945-53 (Ecrits de Paris ~ Mars, 2008)
Par les médias européens et américains, on peut souvent avoir l’impression que la Seconde guerre mondiale doit être périodiquement ressortie pour donner une crédibilité à des demandes financières d’un groupe ethnique spécifique, aux dépens des autres. Les morts civils des perdants de la guerre sont, pour la plupart, passés sous silence. L’historiographie standard de la Seconde guerre est couramment basée sur une distinction nette et polémique entre les « mauvais » fascistes qui ont perdu et les « bons » antifascistes qui ont gagné, et peu de spécialistes sont prêts à enquêter dans l’ambigüité grise se trouvant entre les deux. Même maintenant que les événements de cette guerre s’éloignent dans le temps, ils semblent devenir politiquement plus utiles et plus opportuns en tant que mythes.
Les pertes militaires et civiles allemandes pendant et surtout après la Seconde guerre mondiale sont encore enveloppées dans un voile de silence, du moins dans les mass médias, même si un impressionnant corpus de littérature spécialisée existe sur ce sujet. Ce silence, dû en grande partie à la négligence académique, a des raisons profondes et mérite une enquête érudite plus attentive. Pourquoi, par exemple, les pertes civiles allemandes, et particulièrement le nombre stupéfiant de pertes parmi les Allemands ethniques dans l’après-guerre, sont-elles abordées aussi sommairement, quand elles le sont, dans les manuels scolaires d’histoire ? Les mass médias – télévision, journaux, films et magazines – se penchent rarement, ou pas du tout, sur le sort des millions de civils allemands en Europe centrale et orientale pendant et après la Seconde guerre mondiale.1
Le traitement des Allemands ethniques civils – ou Volksdeutsche – en Yougoslavie peut être considéré comme un cas classique de « nettoyage ethnique » à grande échelle.2 Un examen attentif de ces tueries de masse présente une myriade de problèmes historiques et légaux, particulièrement quand on considère la loi internationale moderne, incluant le Tribunal des Crimes de Guerre de la Haye qui s’est occupé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la guerre des Balkans de 1991-1995. Pourtant le triste sort des Allemands ethniques de Yougoslavie pendant et après la Seconde guerre mondiale ne devrait pas être une moindre préoccupation pour les historiens, en particulier parce qu’une compréhension de ce chapitre de l’histoire apporte un éclairage révélateur sur la désagrégation violente de la Yougoslavie communiste 45 ans plus tard. Une meilleure compréhension du sort des Allemands ethniques de la Yougoslavie devrait encourager le scepticisme concernant l’application loyale et juste de la loi internationale dans la pratique. Pourquoi les souffrances et le triste sort de certaines nations ou de certains groupes ethniques sont-ils ignorés, alors que les souffrances d’autres nations et groupes reçoivent l’attention entière et sympathique des médias et des politiciens ?
Au début de la Seconde guerre mondiale en 1939, plus d’un million et demi d’Allemands ethniques vivaient dans l’Europe du Sud-est, c’est-à-dire en Yougoslavie, en Hongrie, et en Roumanie. Parce qu’ils vivaient surtout près et au long du fleuve Danube, ces gens étaient connus sous le nom populaire de « Souabes du Danube » ou Donauschwaben. La plupart étaient les descendants des colons qui vinrent dans cette région fertile aux XVIIe et XVIIIe siècles à la suite de la libération de la Hongrie du règne turc.
Pendant des siècles, le Saint Empire Romain et ensuite l’Empire des Habsbourg luttèrent contre la domination turque dans les Balkans, et résistèrent à l’« islamisation » de l’Europe. Dans cette lutte, les Allemands du Danube étaient vus comme un rempart de la civilisation occidentale, et étaient tenus en haute estime dans l’empire autrichien (et plus tard, austro-hongrois) à cause de leur productivité agricole et de leurs prouesses militaires. Mais le Saint Empire Romain et l’empire des Habsbourg étaient des entités multiculturelles et multinationales, dans lesquelles des groupes ethniques divers vécurent pendant des siècles dans une harmonie relative.
Après la fin de la Première guerre mondiale, en 1918, qui provoqua l’effondrement de l’empire austro-hongrois des Habsbourg, et après le traité de Versailles imposé en 1919, le statut juridique des Donauschwaben allemands devint flottant. Quand le régime national-socialiste fut établi en Allemagne en 1933, les Donauschwaben étaient parmi les plus de douze millions d’Allemands ethniques qui vivaient en Europe centrale et orientale en-dehors des frontières du Reich allemand. Beaucoup de ces gens furent inclus dans le Reich avec l’incorporation de l’Autriche et de la région des Sudètes en 1938, de la Tchécoslovaquie en 1939, et de portions de la Pologne à la fin de 1939. La « question allemande », c’est-à-dire la lutte pour l’autodétermination des Allemands ethniques en-dehors des frontières du Reich allemand, fut un facteur majeur dans l’éclatement de la Seconde guerre mondiale. Même après 1939, plus de trois millions d’Allemands ethniques restèrent en-dehors des frontières du Reich élargi, notamment en Roumanie, en Yougoslavie, en Hongrie et en Union Soviétique.
Dans la première Yougoslavie – un Etat monarchique créé en 1919 en résultat des efforts des puissances alliées victorieuses –, la plupart des Allemands ethniques du pays étaient concentrés dans l’est de la Croatie et dans le nord de la Serbie (notamment dans la région de Voïvodine), avec quelques villes et villages allemands en Slovénie. D’autres Allemands ethniques vivaient dans l’ouest de la Roumanie et le sud-est de la Hongrie.
Le premier Etat yougoslave multiethnique de 1919-1941 avait une population de quelque 14 millions de gens de diverses cultures et religions. A la veille de la Seconde guerre mondiale, il incluait près de six millions de Serbes, environ trois millions de Croates, plus d’un million de Slovènes, quelque deux millions de Bosniaques musulmans et d’Albanais ethniques, approximativement un demi-million d’Allemands ethniques, et un autre demi-million de Hongrois ethniques. Après l’effondrement de la Yougoslavie en avril 1941, accéléré par une rapide avance militaire allemande, approximativement 200.000 Allemands ethniques devinrent citoyens de l’Etat Indépendant de Croatie nouvellement établi, un pays dont les autorités militaires et civiles restèrent loyalement alliées à l’Allemagne du Troisième Reich jusqu’à la dernière semaine de la guerre en Europe.3 La plupart des Allemands ethniques restants de l’ancienne Yougoslavie – approximativement 300.000 dans la région de Voïvodine – entrèrent dans la juridiction de la Hongrie, qui incorpora cette région pendant la guerre (après 1945 cette région fut rattachée à la partie serbe de la Yougoslavie).
Le sort des Allemands ethniques devint sinistre pendant les derniers mois de la Seconde guerre mondiale, et spécialement après la fondation de la seconde Yougoslavie, un Etat communiste multiethnique dirigé par le maréchal Josip Broz Tito. A la fin d’octobre 1944, les forces de guérilla de Tito, aidées par l’avance soviétique et généreusement assistées par les fournitures aériennes occidentales, prirent le contrôle de Belgrade, la capitale serbe qui servit aussi de capitale pour la Yougoslavie. L’un des premiers actes légaux du nouveau régime fut le décret du 21 novembre 1944, sur « La décision concernant le transfert des biens de l’ennemi dans la propriété de l’Etat ». Il déclarait « ennemis du peuple » les citoyens d’origine allemande, et les privait de droits civiques. Le décret ordonnait aussi la confiscation par le gouvernement de tous les biens, sans compensation, des Allemands ethniques de Yougoslavie.4 Une loi additionnelle, promulguée à Belgrade le 6 février 1945, retira la citoyenneté yougoslave aux Allemands ethniques du pays.5
A la fin de 1944 – alors que les forces communistes avaient pris le contrôle de l’est des Balkans, c’est-à-dire de la Bulgarie, de la Serbie et de la Macédoine – l’Etat de Croatie, allié aux Allemands, tenait encore bon. Cependant, au début de 1945, les troupes allemandes, en même temps que les troupes et les civils croates, commencèrent à faire retraite vers le sud de l’Autriche. Pendant les derniers mois de la guerre, la majorité des civils allemands ethniques de Yougoslavie rejoignirent aussi ce grand trek. La crainte des réfugiés devant la torture et la mort des mains des communistes était bien fondée, étant donné l’horrible traitement appliqué par les forces soviétiques aux Allemands et à d’autres en Prusse orientale et dans d’autres parties de l’Europe de l’Est. A la fin de la guerre en mai 1945, les autorités allemandes avaient évacué 220.000 Allemands ethniques de Yougoslavie vers l’Allemagne et l’Autriche. Pourtant beaucoup restèrent dans leurs patries ancestrales ravagées par la guerre, attendant probablement un miracle.
Après la fin des combats en Europe le 8 mai 1945, plus de 200.000 Allemands ethniques qui étaient restés en arrière en Yougoslavie devinrent effectivement les captifs du nouveau régime communiste. Quelque 63.635 civils allemands ethniques yougoslaves (femmes, hommes et enfants) périrent sous le règne communiste entre 1945 et 1950 – c’est-à-dire environ 18% de la population civile allemande ethnique demeurant encore dans la nouvelle Yougoslavie. La plupart moururent d’épuisement par le travail forcé, par le « nettoyage ethnique », ou de maladie et de malnutrition.6 Une grande partie du crédit pour le « miracle économique » tellement vanté de la Yougoslavie titiste, il faut le noter, doit aller aux dizaines de milliers de travailleurs forcés allemands qui, à la fin des années 1940, aidèrent à reconstruire le pays appauvri.
Les biens des Allemands ethniques de Yougoslavie confisqués après la Seconde guerre mondiale se montaient à 97.490 petits commerces, usines, magasins, fermes et affaires diverses. Les biens immobiliers et terres cultivées confisqués des Allemands ethniques de Yougoslavie se montaient à 637.939 hectares (environ un million d’acres), et devinrent propriété de l’Etat. D’après un calcul de 1982, la valeur des biens confisqués aux Allemands ethniques de Yougoslavie se montait à 15 milliards de marks, ou environ sept milliards de dollars US. En prenant en compte l’inflation, cela correspondrait aujourd’hui à douze milliards de dollars US. De 1948 à 1985, plus de 87.000 Allemands ethniques qui résidaient encore en Yougoslavie s’installèrent en Allemagne et devinrent automatiquement citoyens allemands.7
Tout cela constitua une « solution finale de la question allemande » en Yougoslavie.
De nombreux survivants ont fourni des récits détaillés et illustrés du sort sinistre des civils allemands ethniques, en particulier des femmes et des enfants, qui restèrent captifs en Yougoslavie communiste. Un témoin notable est le défunt père Wendelin Gruber, qui servit de chapelain et de guide spirituel pour de nombreux compagnons de captivité.8 Ces nombreux récits survivants de tortures et de morts infligées aux civils et soldats allemands capturés par les autorités communistes s’ajoutent à la chronique de l’oppression communiste dans le monde.9
Du million et demi d’Allemands ethniques qui vivaient dans le bassin du Danube en 1939-1941, quelque 93.000 servirent durant la Seconde guerre mondiale dans les forces armées de la Hongrie, de la Croatie et de la Roumanie – des pays de l’Axe qui étaient alliés à l’Allemagne – ou dans les forces armées allemandes régulières. Les Allemands ethniques de Hongrie, de Croatie et de Roumanie qui servirent dans les formations militaires de ces pays demeurèrent citoyens de ces Etats respectifs.10
De plus, de nombreux Allemands ethniques de la région danubienne servirent dans la division Waffen-SS « Prinz Eugen », qui totalisa quelque 10.000 hommes pendant son existence durant la guerre (cette formation fut nommée en l’honneur du prince Eugène de Savoie, qui avait remporté de grandes victoires contre les forces turques à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe).11 S’engager dans la division « Prinz Eugen » conférait automatiquement la citoyenneté allemande à la recrue.
Des 26.000 Allemands ethniques danubiens qui perdirent la vie en servant dans diverses formations militaires, la moitié périrent après la fin de la guerre dans des camps yougoslaves. Les pertes de la division « Prinz Eugen » furent particulièrement élevées, le gros de la division se rendant après le 8 mai 1945. Quelque 1.700 de ces prisonniers furent tués dans le village de Brezice près de la frontière croato-slovène, et la moitié restante périt dans le travail forcé dans les mines de zinc de la Yougoslavie près de la ville de Bor, en Serbie.12
En plus du « nettoyage ethnique » des civils et soldats allemands du Danube, quelque 70.000 Allemands qui avaient servi dans les forces régulières de la Wehrmacht périrent en captivité en Yougoslavie. La plupart d’entre eux moururent en résultat de représailles, ou comme travailleurs forcés dans les mines, en construisant des routes, dans des chantiers navals, etc. C’étaient principalement des soldats du « Groupe d’Armées E » qui s’étaient rendus aux autorités militaires britanniques dans le sud de l’Autriche au moment de l’armistice du 8 mai 1945. Les autorités britanniques livrèrent environ 150.000 de ces prisonniers de guerre allemands aux partisans yougoslaves communistes sous prétexte d’un rapatriement ultérieur en Allemagne.
La plupart de ces anciens soldats réguliers de la Wehrmacht périrent dans la Yougoslavie d’après-guerre en trois phases. Pendant la première phase, plus de 7.000 soldats allemands capturés moururent dans les « marches d’expiation » (Suhnemärsche) organisées par les communistes, faisant 1.300 kilomètres depuis la frontière sud de l’Autriche jusqu’à la frontière nord de la Grèce. Pendant la seconde phase, à la fin de l’été 1945, de nombreux soldats allemands en captivité furent sommairement exécutés ou jetés vivants dans des grandes carrières de karst le long de la côte de Dalmatie, en Croatie. Dans la troisième phase, de 1945 à 1955, 50.000 autres périrent comme travailleurs forcés, de malnutrition et d’épuisement.13
Le nombre total des pertes allemandes en captivité yougoslave après la fin de la guerre – incluant les civils et soldats « allemands du Danube » ethniques, ainsi que les Allemands « du Reich » [Reichsdeutsche] – peut donc être estimé au bas mot à 120.000 tués, affamés, tués au travail, ou disparus. Quelle est l’importance de ces chiffres ? Quelles leçons peut-on tirer en faisant état de ces pertes allemandes d’après-guerre ?
Il est important de souligner que le triste sort des civils allemands des Balkans n’est qu’une petite partie de la topographie alliée de la mort. Sept à huit millions d’Allemands – personnel militaire ou civils – moururent pendant et après la Seconde guerre mondiale. La moitié d’entre eux périrent dans les derniers mois de la guerre, ou après la reddition sans conditions de l’Allemagne le 8 mai 1945. Les pertes allemandes, à la fois civiles et militaires, furent sensiblement plus élevées pendant la « paix » que pendant la « guerre ».
Pendant les mois avant et après la fin de la Seconde guerre mondiale, les Allemands ethniques furent tués, torturés et dépossédés dans toute l’Europe orientale et centrale, notamment en Silésie, en Prusse orientale, en Poméranie, dans les Sudètes, et dans la région du « Wartheland ». En tout 12 à 15 millions d’Allemands s’enfuirent ou furent chassés de leurs foyers pendant ce qui est peut-être le plus grand « nettoyage ethnique » de l’histoire. Sur ce nombre, plus de deux millions furent tués ou perdirent la vie d’une autre manière.14
Les tristes événements dans la Yougoslavie d’après-guerre sont rarement abordés par les médias des pays qui émergèrent des ruines de la Yougoslavie communiste, même si, d’une manière remarquable, il y a aujourd’hui dans ces pays une plus grande liberté d’expression et de recherche historique que dans des pays d’Europe occidentale comme l’Allemagne et la France. Les élites de Croatie, de Serbie et de Bosnie, largement composées d’anciens communistes, semblent partager un intérêt commun à refouler leur passé parfois trouble et criminel concernant le traitement des civils allemands dans l’après-guerre.
L’éclatement de la Yougoslavie en 1990-91, les événements qui y conduisirent, et la guerre et les atrocités qui suivirent, ne peuvent être compris que dans un cadre historique plus large. Comme nous l’avons déjà noté, le « nettoyage ethnique » n’a rien de nouveau. Même si l’on considère l’ancien dirigeant serbe yougoslave Slobodan Milosevic et les autres prévenus jugés par le Tribunal International des Crimes de Guerre de La Haye comme de vils criminels, leurs crimes sont très petits comparés à ceux du fondateur de la Yougoslavie communiste, Josip Broz Tito. Tito mena le « nettoyage ethnique » et les tueries de masse sur une bien plus grande échelle, contre les Croates, les Allemands et les Serbes, et avec l’approbation des gouvernements britannique et américains. Son règne en Yougoslavie (1945-1980), qui coïncida avec l’ère de la « Guerre froide », fut généralement soutenu par les puissances occidentales, qui considéraient son régime comme un facteur de stabilité dans cette région souvent instable de l’Europe.15
Le triste sort pendant la guerre et après-guerre des Allemands des Balkans fournit aussi des leçons sur le sort des Etats multiethniques et multiculturels. Le sort des deux Yougoslavies – 1919-1941 et 1944-1991 – souligne la faiblesse inhérente des Etats multiethniques. Deux fois durant le XXe siècle, la Yougoslavie multiculturelle éclata dans un carnage inutile et une spirale de haines entre ses groupes ethniques constituants. On peut affirmer, par conséquent, que pour des nations et des cultures différentes, sans même parler de races différentes, il vaut mieux vivre à part, séparés par des murs, plutôt que prétendre vivre dans une fausse unité cachant des animosités attendant d’exploser, et laissant derrière elles des ressentiments durables.
Peu de gens pouvaient prévoir les sauvages haines et tueries interethniques qui balayèrent les Balkans après l’effondrement de la Yougoslavie en 1991, et ceci entre des peuples d’origine anthropologique relativement similaire, bien qu’ayant des passés culturels différents. On ne peut que s’interroger avec inquiétude sur l’avenir des Etats-Unis et de l’Europe occidentale, où des tensions interraciales croissantes entre les populations natives et les masses d’immigrants du Tiers Monde laissent présager un désastre avec des conséquences bien plus sanglantes.
La Yougoslavie multiculturelle, dans sa première tout comme dans sa seconde incarnation, fut avant tout la création, respectivement, des dirigeants français, britanniques et américains qui réalisèrent le règlement de Versailles en 1919, et des dirigeants britanniques, soviétiques et américains qui se rencontrèrent à Yalta et à Postdam en 1945. Les figures politiques qui créèrent la Yougoslavie ne représentaient pas les nations de la région, et comprenaient très mal les perceptions de soi et les affinités ethnoculturelles des différents peuples de la région.
Bien que les morts, les souffrances et les dépossessions des Allemands ethniques des Balkans pendant et après la Seconde guerre mondiale sont bien documentées par les autorités allemandes et les spécialistes indépendants, elles continuent à être largement ignorées dans les grands médias des Etats-Unis et de l’Europe. Pourquoi ? On peut penser que si ces pertes allemandes étaient plus largement discutées et mieux connues, elles stimuleraient probablement une vision alternative sur la Seconde guerre mondiale, et en fait sur l’histoire du XXe siècle. Une connaissance meilleure et plus répandue des pertes civiles allemandes pendant et après la Seconde guerre mondiale pourrait bien encourager une discussion plus profonde sur la dynamique des sociétés contemporaines. Celle-ci, à son tour, pourrait affecter significativement la perception de soi de millions de gens, obligeant nombre d’entre eux à rejeter des idées et des mythes qui ont été la mode dominante pendant plus d’un demi-siècle. Un débat ouvert sur les causes et les conséquences de la Seconde guerre mondiale ternirait aussi la réputation de nombreux spécialistes et faiseurs d’opinion aux Etats-Unis et en Europe. Il est probable qu’une plus grande connaissance des souffrances des civils allemands pendant et après la Seconde guerre mondiale, et les implications de celle-ci, pourrait fondamentalement changer les politiques des Etats-Unis et d’autres grandes puissances.
Notes
Tomislav Sunic est détenteur d’un doctorat en sciences politiques de l’Université de Californie, Santa Barbara. Il est écrivain, traducteur et ancien professeur de sciences politiques aux USA. Tom Sunic vit actuellement avec sa famille en Croatie. Une interview de lui, « Reexamining Assumptions », a paru dans le numéro de mars-avril 2002 du Journal of Historical Review. Son livre le plus récent est Homo americanus: Child of the Postmodern Age (2007), qui peut être obtenu via Amazon books. Pour plus d’autres articles de lui, voir son site web.
Cet article est une adaptation du discours de M. Sunic le 22 juin 2002, à la 14ème Conférence de l’IHR, à Irvine en Californie.
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Mads Ole Balling, Von Reval bis Bukarest (Copenhagen: Hermann-Niermann-Stiftung, 1991), vol. I and vol. II. ↩
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L. Barwich, F. Binder, M. Eisele, F. Hoffmann, F. Kühbauch, E. Lung, V. Oberkersch, J. Pertschi, H. Rakusch, M. Reinsprecht, I. Senz, H. Sonnleitner, G. Tscherny, R. Vetter, G. Wildmann, and others, Weissbuch der Deutschen aus Jugoslawien: Erlebnisberichte 1944-48 (Munich: Universitäts Verlag, Donauschwäbische Kulturstiftung, 1992, 1993), vol. I, vol. II. ↩
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Sur les forces armées de la Croatie pendant la Seconde guerre mondiale, et leur destruction après 1945 par les communistes yougoslaves, voir Christophe Dol-beau, Les Forces armées croates, 1941-1945 (Lyon [BP 5005, 69245 Lyon cedex 05, France]: 2002). Sur l’attitude souvent critique des officiels militaires et diplomatiques allemands envers le régime allié oustachi de l’Etat Independent de Croatie (« NDH »), voir Klaus Schmider, Partisanenkrieg in Jugoslawien 1941-1944 (Hamburg: Verlag E.S. Mittler & Sohn, 2002). Ce livre inclut une impressionnante bibliographie, et cite des documents allemands jusqu’ici non-publiés. Malheureusement, l’auteur ne fournit pas de données précises concernant le nombre de soldats allemands (incluant des civils et des soldats croates) qui se rendirent aux forces britanniques dans le sud de l’Autriche, and qui furent ensuite livrés aux autorités communistes yougoslaves. Le nombre de captifs croates qui périrent après 1945 dans la Yougoslavie communiste demeure un sujet chargé d’émotion en Croatie, avec d’importantes implications pour la politique intérieure et étrangère du pays. ↩
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Anton Scherer, Manfred Straka, Kratka povijest podunavskih Nijemaca/ Abriss zur Geschichte der Donauschwaben (Graz: Leopold Stocker Verlag/ Zagreb: Pan Liber, 1999), esp. p. 131; Georg Wildmann, and others, Genocide of the Ethnic Germans in Yugoslavia 1944-1948 (Santa Ana, Calif.: Danube Swabian Association of the USA, 2001), p. 31. ↩
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A. Scherer, M. Straka, Kratka povijest podunavskih Nijemaca/ Abriss zur Geschichte der Donauschwaben (1999), pp. 132-140. ↩
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Georg Wildmann, et al, Verbrechen an den Deutschen in Jugoslawien, 1944-48 (Munich: Donauschwäbische Kulturstiftung, 1998), esp. pp. 312-313. A servi de base au livre en langue anglaise: Georg Wildmann, and others, Genocide of the Ethnic Germans in Yugoslavia 1944-1948 (Santa Ana, Calif.: Danube Swabian Association of the USA, 2001). ↩
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G. Wildmann, and others, Verbrechen an den Deutschen in Jugoslawien, 1944-48, esp. p. 274. ↩
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Wendelin Gruber, In the Claws of the Red Dragon: Ten Years Under Tito's Heel (Toronto: St. Michaelswerk, 1988). Traduit de l’allemand en anglais par Frank Schmidt. En 1993, le père Gruber souffrant exile au Paraguay revint en Croatie pour passer ses dernières années dans un monastère jésuite à Zagreb. Je parlai avec lui peu avant sa mort le 14 août 2002, à l’âge de 89 ans. ↩
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Stéphane Courtois, and others, The Black Book of Communism: Crimes, Terror, Repression (Cambridge: Harvard Univ. Press, 1999). ↩
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G. Wildmann, et al, Verbrechen an den Deutschen in Jugo-slawien, p. 22. ↩
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Armin Preuss, Prinz Eugen: Der edle Ritter (Berlin: Grundlagen Verlag, 1996). ↩
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Otto Kumm, Geschichte der 7. SS-Freiwilligen Gebirgs-Division "Prinz Eugen" (Coburg: Nation Europa, 1995). ↩
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Roland Kaltenegger, Titos Kriegsgefangene: Folterlager, Sühnenmärsche und Schauprozesse (Graz: Leopold Stocker Verlag, 2001). ↩
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Alfred-Maurice de Zayas, Nemesis at Potsdam: The Expulsion of the Germans From the East. (Lincoln: Univ. of Nebraska, 1989 [3rd rev. ed.]); Alfred-Maurice de Zayas, The German Expellees: Victims in War and Peace (New York: St. Martin’s Press, 1993); Alfred-Maurice de Zayas, A Terrible Revenge: The "Ethnic Cleansing" of the East European Germans, 1944-1950 (New York: St. Martin’s Press, 1994); Ralph F. Keeling, Gruesome Harvest: The Allies’ Postwar War Against the German People (Institute for Historical Review, 1992). ↩
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Tomislav Sunic, Titoism and Dissidence: Studies in the History and Dissolution of Communist Yugoslavia (Frankfurt, New York: Peter Lang, 1995) ↩