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Blog posts by Tomislav Sunić

Le Harfang (Magazine de la fédération des Québécois de souche) Février - Mars 2013 N0 3, Vol.1. Entretien avec Dr Tom Sunic p. 16 -19

Le Docteur Tom Sunic est auteur, traducteur, ancien professeur en sciences politiques, ancien diplomate, membre du conseil d’administration de l’American Third Position. Il est l’auteur de Homo americanus: Child of the Postmodern Age (2007), avec une préface du Professeur Kevin MacDonald. La troisième édition de son livre American Against Democracy and Equality; the European New Right, préfacé par Alain de Benoist, vient juste d’être lancée. Il est également l’auteur de La Croatie : un pays par défaut ? (2010) et Rejeton de l’ère postmoderne (2010).

Le Harfang– Au moment de cette entrevue, vous étiez en pleine tournée de conférences en Europe avec le professeur Kevin MacDonald. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le sujet « nationalisme et individualisme »?

Tom Sunic – Durant notre tournée en Suède et au Danemark, dans la dernière semaine de mai et la première de juin, Kevin et moi avons regardé la dichotomie entre le nationalisme et l’individualisme. Ma position est que le concept et la pratique du nationalisme du 19ème siècle doivent être rejetés. Cela a créé des torts immenses à tous les peuples blancs, des guerres civiles incessantes, comme on a pu le voir en ex-Yougoslavie. À la place, l’identité des peuples d’exaction européenne doit se baser sur un éveil racial et culturel commun, sans tenir compte de la place où ils peuvent résider. Dans mes discours, j’ai tenté de déconstruire la doctrine libérale d’interchangeabilité des races et j’ai également argumenté (en me basant sur mes propres écrits et ceux d’autres auteurs) que la vision libérale et marxiste d’un « homme » individuel abstrait mène nécessairement à donner peu de valeur de tous les hommes, toutes les races et toutes les nations. Le libéralisme, avec son jumeau le marxisme et son avatar moderne le multiculturalisme, sont des systèmes profondément inhumains. Par contre, la race, comme je le dis souvent, et en me basant sur mes lectures d’Hans Günther, Ludwig F. Clauss et Julius Evola, ne peut pas être utilisée comme le seul critère pour étudier les changements politiques et sociaux et la stabilité. Lorsque le concept de race est utilisé comme seul moyen d’analyser des problèmes sociaux et politiques, cela mène à des conclusions réductionnistes et exclusivistes, comme nos ennemis gauchistes le disent à raison. Inversement, la réalité des races et la différentiation raciale ne peuvent être niées et encore moins démonisées comme nos détracteurs gauchistes font souvent. La race est un facteur important lorsqu’on étudie le caractère des individus, le comportement des nations, et elle peut nous aider à pousser plus loin dans le sophisme du système multiculturaliste, appelé de façon euphémique « société multiculturelle » par nos élites gouvernantes.

Le Harfang– Vous avez mentionné que le nationalisme n’est pas perçu de la même façon aux États-Unis et dans les pays européens. Pourriez-vous élaborer?

TS – Les Blancs en Amérique du Nord ont un avantage extraordinaire en bénéficiant d’une unité raciale et linguistique qui s’étend de l’Alaska à l’Arkansas. C’est un phénomène unique qui, je l'espère, servira de moteur pour la résurgence d’une identité raciale blanche à travers le monde. Les Américains blancs, contrairement aux nationalistes européens mutuellement exclusifs et souvent querelleurs, sans égards à leurs diverses racines européennes, peuvent exprimer plus librement le mot « nationalisme » dans le sens où il englobe tous les Européens blancs présents sur le continent nord-américain. N’oublions pas qu’il n’y a pas un tel concept de nationalisme blanc aussi inclusif en Europe. Il y a des séparatistes nationalistes français comme les Bretons blancs, les Catalans blancs, les Corses blancs ou les Slovènes blancs. Même si leur mémoire culturelle et historique leur donne un certain besoin de préserver leur identité, cela mène également à des frictions et des conflits sans fin avec leurs voisins immédiats. Les peuples d’extraction européenne doivent finalement surmonter ces écarts haineux interethniques s’ils veulent survivre. Les inquiétudes ont changé drastiquement en ce début de XXIème siècle. Les peuples blancs descendants des Européens font clairement face à l’extinction qu’ils vivent au Chili ou au Tennessee et ce, peu importe toute l’animosité qu’ils ressentent pour les autres. Qui plus est, nous devons toujours nous demander qui profite de ces disputes Croates-Serbes, Québécois-Canadiens, Irlandais-Britanniques, Espagnols-Catalans…

Le Harfang– Les partis nationalistes semblent prendre du gallon en Europe mais ici, les groupes nationalistes semblent rester marginaux. Qu’est-ce qui explique cette différence? Est-ce seulement une question d’organisation?

TS – Pour nos échecs, nous ne devons pas blâmer les autres ; nous devons nous blâmer. En se basant sur ce que je viens de dire, nous devons organiser un cadre pour des activités militantes éducatives et restaurer notre hégémonie culturelle, aujourd’hui dominée par la gauche. Pas besoin de manifestations de masse ou de beaucoup d’argent pour entreprendre ce projet. Ceux qui utilisent ces arguments pour tenter de légitimer leurs actions sont paralysés par la peur et cherchent un alibi. Ce qui est nécessaire, c’est d’avoir des gens avec une haute conscience civique et un sens des sacrifices. Nous pouvons commencer avec une série de conférences dans toutes les villes canadiennes avec des sujets comme la littérature classique, l’histoire, l’art, la sociobiologie moderne. Il y a des gens avec des compétences et de l’expertise.

Le Harfang – Vous avez mentionné à plusieurs reprises que, dans le futur, plusieurs pays rejetteront le capitalisme et le multiculturalisme. Comment cela peut-il se faire ? La plupart des élites qui ont critiqué le multiculturalisme (Merkel, Cameron, Sarkozy) n’ont rien fait pour faire changer la situation. Comment les changements auront-ils lieu ?

TS - L’immigration étrangère non-européenne est une conséquence de l’idéologie libérale et non sa cause. Des millions d’immigrants non-Blancs suivent simplement la logique mystique du marché qui a pour conséquence le transfert des emplois, la réduction de l’industrie manufacturière et la réduction des salaires. Les immigrants non européens représentent une armée utile de travailleurs bon marché pour les super classes libérales ploutocratiques. Les classes dirigeantes ne peuvent pas même concevoir et encore moins promouvoir l’éveil racial et culturel, qu’ils s’appellent Sarkozy, Cameron, Merkel ou Harper. Le racialisme et le capitalisme sont incompatibles. Par exemple, promouvoir l’éveil racial au Canada ou aux Etats- Unis, tout en tentant de conserver la structure capitaliste du système, est une contradiction pure et simple. Si le Canada, les États-Unis ou l’Europe voulaient se débarrasser des immigrants, ils devraient d’abord démanteler la théologie du marché libre qui permet en premier lieu l’immigration extra européenne. Rappelez-vous ce que le très adulé fondateur du capitalisme Adam Smith a écrit : « Un marchant n’est pas nécessairement le citoyen d’un pays en particulier. Il est en grande mesure indifférent au lieu où il fait son commerce. » (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 2 vols) Les racines de notre malaise mondialiste peuvent être directement liées à cet homme. Un mélange quelconque d’industries publiques et privées, précédées d’une forte conscience raciale et culturelle, restent la seule alternative pour les Blancs d’Europe et d’Amérique. Heureusement, nous avons assez de preuves empiriques aujourd’hui pour prouver l’échec du libéralisme. J’écris à propos de ce sujet dans mes livres.

Le Harfang - Vous avez écrit un commentaire positif sur l’œuvre de Kyle Bristow, White Apocalypse. Quelle est la place de la fiction dans notre combat?

TS - Bristow est un jeune auteur talentueux. Il a un bon sens de la langue, l’intrigue est bien développée et sa description des personnages principaux montre qu’il saisit bien leur psychologie. Dans mes émissions radiophoniques, je conseille fréquemment à mes auditeurs de lire des classiques, dont certains écrits par des auteurs modernes, comme A. Bierce, L.F. Céline, H. Covington, E. Jünger et plusieurs autres. Lire des romans et de la poésie peut aider les jeunes nationalistes à enrichir leur sens de la métaphore et les aider à confronter verbalement leurs détracteurs gauchistes. Seulement lire des essais politiques ou de la prose raciste n’est pas assez. La culture occidentale est beaucoup plus importante que ça.

Le Harfang – Dans votre livre La Croatie: un pays par défaut? , vous parlez des fausses identités. Que voulez-vous dire par là ?

TS – Dans ce livre, je décris le nationalisme réactif versus le nationalisme proactif, le nationalisme réactif étant un élément tragique de tous les nationalismes européens. Jusqu’à un certain point, l’analyse du nationalisme ethnique qui a imprégné la Croatie suite au démantèlement de l’ex-Yougoslavie en 1991 pourrait aussi s’appliquer en analysant la question du Québec. Le nationalisme réactif croate était une réponse directe au précédent nationalisme agressif serbe. Ou, pour le dire de façon rhétorique, est-ce que la Croatie existerait si ce n’était du nationalisme agressif serbe et yougoslave? J’en doute. Malheureusement, plusieurs Croates, même au niveau officiel, n’expriment leur nationalisme croate qu’à travers la haine des Serbes. Il y a même une blague en Croatie qui va comme suit : « Le leader serbo-yougoslave Slobodan Milosevic, lorsqu’il a lancé sa guerre d’agression contre la République croate en 1991, a moussé le sentiment nationaliste des Croates, ce qui les aida à former leur propre État séparé. » C’est un exemple typique de « nationalisme par défaut ». À propos de cette identité « par défaut », je me retrouve à être en désaccord avec de nombreux nationalistes croates, et également avec plusieurs nationalistes blancs ou racialistes et ce, peu importe le drapeau qu’ils peuvent agiter. Pourquoi ont-ils toujours besoin de la présence de « l’autre méchant » pour s’affirmer? Avec une analyse plus large, le nationalisme réactif pourrait également être appliqué à l’étude de la question québécoise et nous aider à comprendre l’identité québécoise, en grande partie due aux politiques assimilationnistes agressives et mal pensées de l’Empire britannique. C’est faux de chérir une mauvaise image de nous-mêmes en la projetant sur le méchant Juif, Arabe ou Noir, ou encoresur notre détestable voisin blanc. C’est un mauvais départ pour un processus de « réveil racial ou national ». Mon point est que nous devons être fiers de qui nous sommes, mais pas au prix de restreindre notre fierté à la haine ou la suppression de l’autre. Mon livre est bien annoté et je crois qu’il offre de bonnes analyses de cette problématique complexe et très importante de l’identité à notre époque.

Le Harfang – Dans votre ouvrage In Homo A m e r i c a n u s : Rejeton de l'ère postmoderne, vous comparez la Croatie communiste à l’Amérique contemporaine. Si la comparaison tient la route, comment percevez-vous le Canada avec ses tribunaux des Droits de l’Homme?

TS – Dans mon livre, publié en anglais et en français, je discute en profondeur des cas légaux et du lexique reliés à la liberté d’expression, notamment le soi-disant discours haineux, les nouveaux maîtres à penser et comment la répression intellectuelle en Occident fonctionne. Ma thèse est que l’avantage du communisme en Europe de l’Est repose dans la vulgarité de son imagerie et de ses discours (la langue de bois) et sa répression violente. Même un homme de la rue pouvait voir les mensonges communistes. Ainsi, tout le monde pouvait clairement voir que le communisme n’était qu’un système intellectuel mensonger et la pire fraude jamais vue. Par contre, la répression moderne en Occident, particulièrement au Canada et en Allemagne, est beaucoup plus élégante et, de ce fait même, insidieuse; elle se camoufle derrière le verbiage de « liber té d’expression », « diversité », « tolérance » et « droits de l’homme ». Elle est donc plus efficace pour censurer un dissident ou hérétique potentiel.

Le Harfang – Vous parlez un français impeccable et avez voyagé au Canada dans le passé, alors vous connaissez sûrement la problématique du Québec. Qu’elle est votre opinion générale? La situation est-elle similaire à celle des Balkans où vous avez travaillé pendant des années ? TS - Il y a des parallèles évidents. Lorsque la Croatie déclara son indépendance de la Yougoslavie en 1991, les Serbes de Croatie, qui formaient 10% de la population de la Croatie, principalement concentrés dans les contrées rurales de la région de Krajina, firent valoir que si la Croatie osait se séparer de la Yougoslavie (où les Serbes étaient favorisés par de la discrimination positive dans toutes les sphères de la société), eux aussi devaient avoir le droit de se séparer et de former leur propre État miniature. Ils réussirent en effet à former leur mini-État financé par la Serbie avant de se faire renverser par l’armée croate en 1995. C’est une forme t y pique de balkanisation nationaliste que j’ai discuté auparavant. Je suis d’accord avec les péquistes canadiens (sic) et avec leur souhait d’avoir un État libre du Québec, mais c’est un problème avec de multiples facettes. Un Québec souverain pourrait rétablir une justice historique vis-à-vis des impérialistes britanniques, mais ce qui se passe aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Les opposants les plus farouches au projet d’un Québec Libre ne sont plus les WASP, mais des millions d’immigrants du Tiers-Monde et des aborigènes locaux, qui ne s’inquiètent pas du tout de l’identité du pays qu’ils habitent, tant et aussi longtemps qu’ils reçoivent des avantages sociaux et que leur statut de « victimes » leur permettre d’en récolter davantage. Ils représentent une menace raciale, démographique et culturelle pour les Québécois et également pour les Canadiens britanniques. De la même façon, je n’écarte pas la possibilité que lorsque la Croatie se joindra à l’Union européenne, elle sera submergée d’immigrants d’Afrique du Nord à un point tel qu’elle doive regarder nostalgiquement en arrière pour former une nouvelle réunion avec les Serbes blancs, afin de lutter contre le chaos racial. C’est la question à laquelle tous les Blancs, soient-ils Américains, Québécois, Serbes ou Croates, devront faire face dans les années à venir.

Le Harfang – Vous avez écrit de nombreux livres, vous donnez des conférences, vous avez votre site Web et vous avez votre propre émission de radio, Voice of Reason. J’imagine que vous avez un message à passer ; comment pourriez-vous le résumer ?

TS – Hégémonie culturelle. En travaillant sur les champs de bataille culturelle, d’immenses résultats peuvent être obtenus. Ne surestimez pas le système libéral ; il est extrêmement fragile. Les porteurs de ce système n’y croient même pas ; ils ne font que suivre l’odeur de l’argent. J’ai été le témoin oculaire de la façon dont les porteurs du système communiste ont changé de camp pour devenir des libéraux en quelques semaines en ex- Yougoslavie. Nous devons apprendre de la gauche ; nous devons propager nos propres discours, imposer notre musique et nos mœurs, faire revivre nos penseurs jetés dans le trou de l’oubli libéral, penseurs qui sont à la fois traditionnels et hypermodernes, que nous pourrions appeler « archéofuturistes ». Ça peut être fait. Nous avons des gens de savoir et d’intégrité. Où il y a une volonté, il y a une voie. Le Harfang – Qu’aimeriez-vous dire aux Québécois?

TS – Tous les peuples européens doivent s’unir. Et vive le Québec libre! Pour en apprendre sur l’œuvre et la pensée de Tom Sunic, rendez vous sur: tomsunic.com et reasonradionetwork.com. p. 18 - Février - Mars 2013

Février - Mars 2013 - p.19

Dr. Tomislav Sunic: „Das Völkerrecht definiert immer der Sieger!” Der Schlesier, Nr. 42, Oktober 21, 2011-10-25

Der Schlesier” sprach mit dem kroatischen Publizisten und Politikwissenschaftler Dr. Tomislav Sunic

Frage: Herr Dr. Sunic, noch immer beschäftigen die Balkankriege der 90er Jahre und die damit in Zusammenhang gebrachten „Kriegsverbrechen” Öffentlichkeit und Justiz. Manchmal drängt sich dabei der Eindruck einer gewissen Einseitigkeit auf. Sehen wir das richtig?

Sunic: Nun, nach dem Ende der „heißen” Auseinandersetzungen auf dem Gebiet des ehemaligen Jugoslawien 1995 begann ein internationales Gefecht wechselseitiger Strafanklagen in Den Haag. Auf der obersten Sprosse der Leiter an beschuldigten Kriegsverbrechern steht eine beträchtliche Zahl serbischer Volkszugehöriger, darunter auch eine Zahl Kroaten und – ganz unten – einige Bosniaken. Diese „Straftrigonometrie” spiegelt den internationalen Wunsch nach quantifizierbarer Wiedergutmachung für die Kriegsfolgen auf dem Balkan wider. Mit ihrem Legalitätsprinzip und ihrem hypermoralistischen Standpunkt umgehen die internationalen Rechtsbegründer aber die Frage nach den Ursachen des Krieges auf dem Balkan.

Frage: Wie dürfen wir das verstehen?

Sunic: Sehen Sie, die sogenannte internationale Gemeinschaft konnte - oder wollte – während der vier Jahre Krieg auf dem Balkan den Aggressor nicht deutlich benennen bzw. den Namen des Aggressors und des Opfers nach dem herkömmlichen Freund-Feind-Schema nach Carl Schmitt klar bezeichnen. Mit der langjährigen Angleichung – oder Anpassung – des Opfers an den Aggressor suchen die internationalen Rechtbegründer noch immer nach einem rechtmäßigen Alibi für ihre politische Ohnmacht, ganz zu schweigen von einem reinen Gewissen angesichts des Fehlens ihres eigenen politischen (Un)willens. Daraus folgt: Wenn aus einem modernen internationalen Recht heraus irgendein Krieg als Bürgerkrieg (bellum civile) definiert wird, dann sei es gerechtfertigt, Opfer und Aggressor nebeneinander auf die Anklagebank zu setzen. Hier ist ein Paradoxon zu erkennen, weil zahlreiche Beschlüsse der Vereinten Nationen aus den siebziger Jahren jeder Nation das Recht auf die Selbstbestimmung zuerkennen – und zwar „with all available means”, mit allen verfügbaren Mitteln.

Im Falle Kroatiens war es nach dem Plebiszit vom Mai 1991 ganz klar, dass sich 95 Prozent der kroatischen Bürger für eine Loslösung von Jugoslawien entschieden hatten. Was bedeutet überhaupt „Verbrechen gegen die Menschlichkeit” und „Kriegsverbrechen”? In welchem Masse können die Vereinten Nationen und die Europäische Union objektiv und unbeteiligt sein, einerlei ob in Kroatien oder heute in Libyen? Eine erhebliche Zahl hoher serbischer Amtsträger, die vom Haager Tribunal als „Kriegsverbrecher” geführt werden und wurden, war bis 1996 auf unzähligen multilateralen Treffen in Genf und New York völkerrechtskonform vertreten. Wenn man sie heute wegen begangener Kriegsverbrechen belastet, dann verloren logischerweise ihre einstigen Unterschriften mit derselben „internationalen Gemeinschaft” noch rückwirkend jede Legitimität…

Frage: Wo liegt Ihre grundsätzliche Kritik am „Völkerrecht”, so wie es derzeit gehandhabt wird?

Sunic: Wie uns der große deutsche Völkerrechtler Carl Schmitt lehrte, unterschieden die europäischen Staaten im klassischen europäischen Völkerrecht in der Zeit vom Wiener Kongress 1815 bis zum Beginn des Ersten Weltkrieges strikt zwischen Zivilisten und Soldaten. Die gegnerische Seite wurde weder dämonisiert noch satanisiert, sondern immer juristisch als ,,gerechter Feind” (justus hostis) definiert. Der Begriff „Kriegsverbrecher” kam erst nach dem Ende des Ersten Weltkrieges auf. Den Anstoß dazu gaben amerikanische Juristen mit ihrer hypermoralistischen und alttestamentarischen Schwärmerei von der Heraufführung einer ahistorischen Welt. In welchem Masse jedem Zeitalter seine eigene Version der Wahrheit und seine eigene Lüge innewohnen, wird am internationalen Recht des Mittelalters deutlich. Im kanonischen Recht hatte über Jahrhunderte hinweg das Urteil über Piraten, Juden und Muslime Bestand, wonach es sich um ,,Abschaum des Menschengeschlechtes” (odium generis humani) handelte. Eine große Anzahl Christen bewegte sich über Jahrhunderte hinweg in dieser katholischen Rechtsakrobatik – und das fast bis zum Vatikanischen Konzil von 1966.

Aber auch das moderne Volkerrecht hat seine ungeschriebenen Klauseln vom „odium generis humani”, womit einige Politiker und Akademiker im Westen marginalisiert, ja dämonisiert werden sollen. Alle kritischen Äußerungen zur modernen Geschichtsschreibung, jede Kritik an der multikulturellen Gesellschaft führt beinahe zu einer neuen religiösen Ausgrenzung und Verfemung oder Achtung. Letztendlich stellt sich doch nicht die Frage, inwieweit ein Staat „gut” oder „schlecht” ist, sondern, wer das Völkerrecht definiert. Ist es ein Staat, der den Krieg gewinnt, oder einer, den ihn verloren hat? Sind Flucht und Vertreibung der 3,5 Millionen Sudetendeutschen im Jahre 1945 während der Schaffung des neuen Kunststaates Tschechoslowakei eine Art ethnische Säuberung – oder war es eine freiwillige Abreise der Deutschen aus dem Zuständigkeitsbereich einer fremden Jurisdiktion? Es gibt eine Fülle weiterer Beispiele für derlei juristische und historiographische Untiefen. Kommunistische Verbrechen, die sich gegen kroatische und deutsche Bürger im Mai 1945 und danach richteten, ebenso eine Reihe manipulierter Gerichtsprozesse im kommunistischen Jugoslawien waren Teil einer neuen Nachkriegs- Rache-Rechtsordnung. Dem Zusammenbruch des Kommunismus im gesamten ost-europäischen Raum zum Trotz ist es noch immer unmöglich, einen ehemaligen jugoslawischen Kommissar oder Apparatschik dafür vor Gericht zu bringen. Nicht ein einziger Altkommunist im heutigen Kroatien wurde wegen der Teilhabe an Verbrechen zur Rechenschaft gezogen.

Frage: Kann man die vielbeschworene „internationale Gemeinschaft” angesichts solcher Einseitigkeiten überhaupt ernstnehmen?

Sunic: Der angesehene amerikanische Politiker Senator Robert Taft sagte über das Nürnberger Tribunal im Jahr 1946, dass das Gericht einer Posse ähnle, da zwar über die Nazis Gericht gehalten werde, gleichzeitig aber im gesamten Gebiet von Osteuropa sich die Kommunisten der gleichen Methoden bedienten. Wenn heute von in Den Haag verdächtigten Kroaten die Rede ist, wäre es angebracht, einmal das Verteidigungsplädoyer des weltbekannten französischen Juristen Jacques Vergès zu lesen. Er war es, der 1987 in Lyon den ehemaligen Gestapo-Chef Klaus Barbie verteidigte. Vergès erklärte damals: Vergès erklärte damals: „Barbie ist nicht schuldig, weil es Verbrechen gegen die Menschheit seit Menschengedenken gibt.” Bei seiner Verteidigung Barbies griff Vergès die moderne liberale Rechtsidee an, die sich nicht allzu sehr vom Inquisitionsgericht unterscheide, da „Menschen aus der ehemaligen Wehrmacht und der SS zu unseren Hexen wurden”.

Frage: Welches Resümee Ziehen Sie als Kroate daraus?

Sunic: Nun, dass das internationale Gericht und die Weltverbesserer jahrzehntelang den Kerkerstaat Jugoslawien tolerierten, lag in geopolitischen Erwägungen begründet. Man soll doch nicht vergessen, dass einige hohe Politiker – gerade unter jenen, die unter den ersten waren, die Kroatien 1991 völkerrechtlich anerkannten, wie zum Beispiel der ehemalige Bundeskanzler Helmut Kohl – sich zuvor ebenfalls unter den ersten befunden hatten – genau 11 Jahre zuvor, im Jahr 1980 die an der Beerdigung jenes Menschen teilnahmen, der jahrzehntelang Garant für ein „starkes und einheitliches” Jugoslawien war – nämlich des Diktators Josip Broz Tito. Das Völkerrecht ist nicht statisch, daher kann es auch nicht positivistisch sein. Es ändert sich stets entsprechend dem Zeitgeist und gemäß der Siegerrechtsordnung. Die Gräueltaten während des Balkankrieges sind nicht in der genetischen Natur der Serben, Kroaten oder Bosniaken begründet. Der Krieg auf dem Balkan war das unmittelbare Erzeugnis einer supranationalen kommunistischen Fehlgeburt, des sogenannten Jugoslawien, das 50 Jahre hindurch finanziell vom liberalen Westen abgeschirmt war. In einer fiktiven juristischen Einkreisung, analog etwa dem Szenario eines verlorenen Krieges, hätte eine hohe Zahl hochrangiger kroatischer Repräsentanten zum Tode verurteilt werden können. Genau wie im Jahre 1945 – nach dem verlorenen Krieg.

„Auctoritas – non Veritas facit legem”: „Macht schafft Recht, nicht Wahrheit.” Postmodernistisch bzw. philologisch auf Kroatisch gesprochen bedeutete dies – dass das größte Verbrechen, das ein Volk oder seine Regierung überhaupt begehen kann, ist: einen Krieg zu verlieren.

Herr Dr. Sunic, wir bedanken uns für dieses Gespräch und wünschen Ihnen alles Gute!

Das Gespräch mit Dr. Tomislav Sunic führte ,,Schlesier”- Redakteur Hartmut Meissner.

Dr. Tomislav Sunic wurde 1953 in Zagreb geboren. Prägend für seine Entwicklung war die Inhaftierung seines Vaters im kommunistischen Jugoslawien 1984-88. Sunic studierte Französisch, Englisch und Literaturgeschichte an der Zagreber Universität, arbeitete 1980 bis 1982 als Obersetzer in Algerien und übersiedelte dann in die USA, wo er seine Studien an der California State University, Santa Barbara, fortsetzte. 1988 Promotion im Fach Politikwissenschaft, seitdem Lehrtätigkeit an mehreren US-Hochschulen. Seit 1993 Verwendung auf mehreren Diplomatenposten im Ausland, u.a. in London, Kopenhagen und Brüssel; Lehrtätigkeit u.a. am Anglo- Amerikanischen Kolleg in Prag. Sunic ist außerdem Kulturberater der American Third Position Party und arbeitet heute als freier Publizist; zahlreiche Aufsätze in Zeitschriften des In- und Auslands. Sein jüngstes Buch „La Croatie; un pays par défaut?” erschien 2010 (Paris, Avatar).

Homo sovieticus, homo americanus ? Catholica Hiver 2007-08, Nr. 98

Tomislav Sunic, essayiste croate et traducteur, ayant longuement séjourné aux Etats-Unis où il a enseigné la science politique, vit actuellement dans son pays d’origine. Il a récemment publié un ouvrage intitulé Homo Americanus : Child of the Postmodern Age (BookSurge, Charleston 2007, 15.99 $), avec une préface de l’historien Kevin MacDonald. L’auteur a accepté de s’expliquer sur le parallèle suggéré par son titre, de prime abord audacieux, avec l’homo sovieticus de Zinoviev.

CATHOLICA – Vous effectuez une longue comparaison entre le système soviétique et le système américain, et entre les types humains qui les caractérisent. Dans la description de la culture sociale américaine, vous notez une sorte de phobie de l’autorité, sous l’effet de l’égalitarisme. Peut-on vraiment établir un parallèle avec le communisme?

TOMISLAV SUNIC – Un mot tout d’abord au sujet du titre de mon livre. J’ai d’abord été tenté par l’expression boobus americanus, inventée par le grand écrivain américain, H. L Mencken. Mais le boobus a une connotation limitée, restreinte au cadre provincial des Etats Unis; cette expression décrit plutôt un Américain un peu bête et d’esprit provincial (on dirait en France un plouc) ne reflétant guère le système-monde comme le font si bien les expressions homo sovieticus et homo americanus.

A propos de l’autorité, de laquelle parle-t-on? On n’a pas forcément besoin de la police et de l’armée pour imposer son autorité. En dehors des grandes métropoles américaines et en dehors de quelques cercles clos qui partagent les mêmes intérêts intellectuels, l’Amérique est un pays très autoritaire au sens large du terme. C’est la fameuse autocensure américaine relevant de l’esprit calviniste et vétérotestamentaire qui rend la vie difficile dans les petites villes américaines pour un intellectuel européen. Rien à voir avec le vrai individualisme civique et spirituel dont, malgré l’américanisation outrancière, on perçoit encore les signes en Europe. Le prétendu individualisme américain est une contradiction en soi ; partout règne l’esprit grégaire qui se manifeste, bien sûr, en fonction de la tribu, du lobby politique, ou de la chapelle religieuse à laquelle on appartient. Tocqueville en parle dans son livre, De la démocratie en Amérique. Or le problème inquiétant, c’est que les Américains se perçoivent et se posent devant le monde entier comme des individualistes et des libertaires modèles alors qu’en réalité, tout véritable individualisme est incompatible avec l’esprit de l’homo americanus. A l’instar de l’Union Soviétique, la réussite professionnelle en Amérique exige qu’on “joue le jeu” et qu’on ne “fasse pas de vagues.” Cette fausse convivialité Âœcuménique est surtout visible aujourd’hui dans l’Amérique multiculturelle où il faut être extrêmement prudent dans le choix des mots. Même le terme “multiculturalisme” que l’on utilise abondamment en Occident est un tic de la langue de bois américaine dont la naissance remonte aux années 1970. Multiethnisme conviendrait mieux pour décrire la situation atomisée du système américain… et occidental.

Quant au système ex-soviétique et à sa prétendue structure pyramidale et hiérarchique il nous faut nous débarrasser des demies vérités relayées par les ex-soviétologues et autres kremlinologues occidentaux. Le système communiste fut parfaitement démocratique au vrai sens du terme. Une fois terminés les grands massacres et achevée l’élimination des élites russes et est- européennes dans les années 1950, de larges masses purent jouir, en Russie comme en Europe orientale, et dans le moule communiste, d’une qualité de vie dont on ne pouvait que rêver en Occident. La vie sans soucis, quoique spartiate, assurait à tous une paresse facile — pourvu qu’on ne touchât pas au mythe fondateur communiste. Alexandre Zinoviev fut l’un des rares écrivains à bien saisir l’attraction phénoménale et la pérennité de l’homo sovieticus”. En fait, si le communisme a disparu à l’Est, comme l’a dit Del Noce, c’est parce qu’il s’est encore mieux réalisé à l’Ouest, notamment en Amérique multiethnique et égalitaire.

Dans votre livre, vous procédez à l’analyse du décor et de l’envers du décor, si je puis m’exprimer ainsi. Par exemple, vous relevez que les grands médias, dans l’image qu’ils cultivent sans cesse d’eux-mêmes, se présentent comme des contestataires du pouvoir, alors qu’en réalité ils en constituent l’un des principaux piliers. Vous vous intéressez ainsi non seulement aux représentations conceptualisées, mais également au langage et à sa transformation. Pouvez-vous dire ce qui a attiré votre attention sur ces points, et en particulier quelle fonction vous attribuez à la «gestion de la langue»?

En Amérique, les grands médias ne constituent aucunement un contre-pouvoir. Ils sont le pouvoir eux-mêmes et ce sont eux qui façonnent le cadre et le dénouement de tout événement politique. Les politiciens américains sondent au préalable le pouls des medias avant de prendre une décision quelle qu’elle soit. Il s’agit d’une synthèse politico- médiatique qui règne partout en Occident. Quant au langage officiel utilisé par les faiseurs de l’opinion américaine tout discours politico- médiatique est censé recourir aux phrases au conditionnel ; les politiciens et les medias, et même les professeurs d’université, abordent toujours les thèmes politiques avec une grande circonspection. Ils recourent de plus en plus à des locutions interrogatives telles que “pourrait- t-on dire? ” ou “le gouvernement serait-il capable de”..?”, etc. Ici, nous voyons à nouveau l’auto-abnégation chère au calvinisme mais transposée cette fois dans le langage châtré de la communication officielle. Les phrase lourdes, à connotation négative, où on exprime un jugement de valeur, disons sur Israël, l’Iraq, ou un autre problème politique grave, sont rares et prudemment feutrées par l’usage d’adjectifs neutres.

Cette “langue de coton”, de provenance américaine, on la voit se propager de plus en plus en France et en Allemagne. On est témoin de locutions américaines très en vogue et “soft” en Europe qui disent tout et rien à la fois : je pense notamment aux adverbes neutres de provenance américaine tels que “considerably”, “apparently” etc. – dont l’usage fréquent permet à tout homme public d’assurer ses arrières.

Pouvez-vous, en tant que vous-même avez été professeur dans une université américaine bien représentative, indiquer quelle couche de l’intelligentsia possède un pouvoir réel, et de quelle manière concrète elle l’exerce au quotidien, en particulier dans le contrôle du langage, et pour quelle raison il en va ainsi? Contrairement à ce qu’on dit en Europe, les universités américaines, surtout les départements de sciences sociales, jouent un rôle fort important dans la fabrication de l’opinion publique. On lit régulièrement dans la grande presse américaine les “editorials” écrits par des professeurs connus. Quoique l’Amérique se targue de son Premier Amendement, et notamment de sa totale liberté d’expression, les règlements universitaires témoignent d’une véritable police de la pensée. La haute éducation est une chasse gardée des anciens gauchistes et trotskistes recyclés, où toute recherche indépendante allant à l’encontre des mythes égalitaires et multiethnique peut aboutir à de sérieux ennuis (jusques et y compris le licenciement) pour les esprits libres. Nombreux sont les cas où de grands spécialistes en histoire contemporaine ou en anthropologie doivent comparaître devant des “Comités de formation à la sensibilité interethnique universitaires” (“Committees for ethnic sensitivity training”) pour se disculper d’accusations de “fascisme” et de “racisme.” Malgré la prétendue fin de tous les grands récits, il y a, dans notre postmodernité, un champ de thèmes tabous où il vaut mieux ne pas se hasarder. Très en vogue depuis dix ans, l’expression “hate speech” (discours de haine) n’est que le dernier barbarisme lexical américain grâce auquel on cherche à faire taire les mal-pensants. Le vrai problème commence quand cette expression s’introduit dans le langage juridique du code pénal, comme ce fut le cas récemment avec une proposition législative du Sénat américain (HR 1955). Je ne vois aucune différence entre le lexique inquisitorial américain et celui de l’ex-Yougoslavie ou de l’ex-Union soviétique, sauf que le langage de l’homo americanus est plus insidieux parce que plus difficile à déchiffrer.

A propos du pouvoir (au sens générique), le système américain d’aujourd’hui est-il, ou n’est-il pas le prototype, ou l’aile avancée de la «démocratie» postmoderne, dans laquelle tout le monde est censé contribuer à la «gouvernance» globale sans que personne soit réellement identifiable comme responsable des décisions qu’il prend?

Voilà la mystique démocratique qui sert toujours d’appât pour les masses déracinées ! Dans le système collectiviste de l’ex-Union soviétique, et aujourd’hui de façon similaire en Amérique, on vivait dans l’irresponsabilité collective. Rien d’étrange. L’irresponsabilité civique n’est que la conséquence logique de l’égalitarisme parce que selon les dogmes égalitaires libéralo-communistes, tout homme est censé avoir sa part du gâteau. A l’époque de la Yougoslavie communiste, tout le monde jouait le double jeu de la chapardise et de la débrouillardise, d’une part, et du mimétisme avec le brave homo sovieticus, d’autre part, du fait même que toute propriété et tout discours appartenaient à un État-monstre. Par conséquent, tout le monde, y compris les apparatchiks communistes, se moquait de cet État-monstre dont chacun, à son niveau social, cherchait à tirer un maximum d’avantages matériels.

Le vocable gouvernance n’est qu’un piège supplémentaire du langage technoscientifique tellement cher à l’homo americanus. D’une manière inédite, les classes qui nous gouvernent, en recourant à ce nouveau vocable, conviennent qu’il en est fini de cette ère libéralo-parlementaire, et que c’est aux “experts” anonymes de nous tirer hors du chaos.

On a largement étudié les Etats-Unis comme nouvelle forme d’empire, une forme appelée à périr à force d’étendre ses conquêtes au-delà de ses capacités, selon une sorte de loi inexorable d’autodestruction. Mais au-delà de cette perspective – que l’on supposera ici fondée, par hypothèse – ne peut-on pas voir dans l’américanisme postmoderne la fin de la modernité, fin à la fois comme achèvement et comme épuisement?

Le paradoxe de l’américanisme et de son pendant l’homo americanus consiste dans le fait qu’il peut fonctionner à merveille ailleurs dans le monde et même mieux que dans sa patrie d’origine. Même si un de ces jours, l’Amérique en tant qu’entité politique se désagrège (ce qui n’est pas du tout exclu) et même si l’Amérique disparaît de la mappemonde, l’homo americanus aura certainement encore de beaux jours devant lui dans différentes contrées du monde. Nous pouvons tracer un parallèle avec l’esprit de l’homo sovieticus, qui malgré la fin de son système d’origine est bel et bien vivant quoique sous une forme différente. Oublions les signifiants – regardons plutôt les signifiés postmodernes. À titre d’exemple, prenons le cas des nouvelles classes politiques en Europe orientale y compris en Croatie, où quasiment tout l’appareil étatique et soi- disant non communiste se compose d’anciens fonctionnaires communistes suivis par des masses anciennement communisées. L’héritage communiste n’empêche pas les Croates d’adopter aujourd’hui un américanisme à outrance et de se montrer aux yeux des diplomates des Etats-Unis plus américanisés que les Américains eux-mêmes! Il y a certes une généalogie commune entre le communisme et l’américanisme, notamment leur esprit égalitaire et leur histoire linéaire. Mais il y a également chez les ex-communistes croates, lituaniens ou hongrois, un complexe d’infériorité conjugué à une évidente servilité philo- américaine dont le but est de plaire aux politiciens américains. Après tout, il leur faut se disculper de leur passé douteux, voire même criminel et génocidaire. Il n’y a pas si longtemps que les ex-communistes croates faisaient encore leurs pèlerinages obligatoires à Belgrade et à Moscou ; aujourd’hui, leurs nouveaux lieux saints sont Washington et Tel Aviv. Malgré l’usure de l’expérience américaine aux USA, l’Amérique peut toujours compter sur la soumission totale des classes dirigeantes dans tous les pays est-européens.

L’anti-américanisme de beaucoup de marxistes européens s’est fréquemment mué depuis plusieurs décennies en admiration pour la société américaine. Au-delà du retournement opportuniste, ne croyez-vous pas qu’il puisse s’agir d’une adhésion intellectuelle, de quelque chose comme l’intuition que l’Amérique postmoderne représente une certaine incarnation de l’utopie socialiste, alors même que le capitalisme y domine de manière criante?

Après l’effondrement de son repoussoir dialectique qu’était l’Union soviétique, il était logique que beaucoup d’anciens marxistes européens et américains se convertissent à l’américanisme. Regardons l’entourage néo- conservateur du président George W. Bush ou de la candidate présidentielle Hillary Clinton: il se compose essentiellement d’anciens trotskistes et d’anciens sympathisants titistes dont le but principal est de parachever le grand rêve soviétique, à savoir l’amélioration du monde et la fin de l’histoire. Il n’y a aucune surprise à voir le Double devenir le Même ! L’ancien rêve calviniste de créer une Jérusalem nouvelle, projetée aux quatre coins de monde, se conjugue avec les nouvelles démarches mondialistes de nature mercantiles. Or au moins pour un esprit critique, il y a aujourd’hui un avantage épistémologique ; il est plus facile de s’apercevoir maintenant des profondes failles du système américain. L’anticommunisme primaire de l’époque de la guerre froide qui donnait une légitimité à l’Amérique par à rapport à son Autre n’est plus de mise. On ne peut plus cacher, même aux masses américaines incultes, que le système américain est fragile et qu’il risque d’éclater à tout moment. N’oublions jamais la fin soudaine du système soviétique qu’on croyait invincible. Le capitalisme sauvage et la pauvreté grandissante en Amérique ne vont pas de pair avec le prêchi-prêcha sur les droits de l’homme et les matins qui chantent.

Il se dégage de l’ensemble de votre ouvrage, dont le titre pourrait être traduit L’homo americanus, ce rejeton de l’ère postmoderne, que les phénomènes que vous décrivez conduisent à produire en masse un type d’humanité dégradé, sans repères, sans racines, sans idéal. Dans la mesure où ce diagnostic est fondé (même s’il ne concerne pas également la totalité des Américains), n’est-ce pas la preuve de l’échec, non seulement du projet de régénération qui était à l’origine des Etats-Unis, mais de l’humanisme tout entier, tel qu’il a été affirmé au début de la période moderne?

Soyons honnêtes. Nous sommes tous plus ou moins des homini americani. L’américanisme, à l’instar du communisme, est parfaitement compatible avec l’état de nature cher aux plus bas instincts de tout homme. Mais donner dans un anti-américanisme primaire, comme celui que revendique l’extrême droite européenne et surtout française, ne repose pas sur une bonne analyse du système américain. En Amérique, surtout chez les Sudistes, il y a des couches populaires, quoique très rares, qui préservent le concept d’honneur largement perdu en Europe.

On a tort de nourrir des fantasmes au sujet des prétendues visées impérialistes des Américains sur l’Europe et l’Eurasie, comme c’est le cas chez de nombreux droitiers européens victimes de leur propre manie du complot. À part son délire biblique et son surmoi eschatologique incarné dans l’État d’Israël – qui représentent tous deux un danger pour la paix mondiale – l’engagement américain en Europe et ailleurs n’est que le résultat du vide géopolitique causé par les incessantes guerres civiles européennes. Il est fort possible que la guerre balkanique ait eu un bel avenir sanguinaire sans l’intervention militaire des Américains. Qu’ont-ils donc à offrir, les fameux communautarismes européens, hormis les fantasmes sur un empire européen et euroasiatique ? Au moins, les Américains de souche européenne ont réussi à se débarrasser des querelles de chapelles identitaires qui font toujours le bagage des peuples européens.

Le sens prométhéen, l’esprit d’entreprise et le goût du risque sont toujours plus forts en Amérique qu’en Europe. L’Amérique pourrait offrir, dans un proche avenir, encore de belles surprises à la civilisation européenne. Entretien recueilli par Bernard Dumont

Réfléchir & Agir (été, 2011) Tom Sunic (en français) entretien avec Tomislav Sunic Homo americanus rejeton de l’ère post-moderne

R&A: Le grand dissident russe Alexandre Zinoviev, qui avait fui le communisme pour rejoindre le camp de la liberté dont les Etats-Unis étaient l’emblème, avait inventé le terme d’homo sovieticus. Vous parlez, vous, d’homo americanus. A priori, en quoi ces deux types d’hommes se ressemblent-ils ?

TS: C’est l’état d’esprit tout d’abord. Il y a de braves homini sovietici en France du coté de Paris qui sont connus sous le nom de Gauche caviar. C’est le Même et son Double qui changent de lieux en fonction des idées à la mode. Aujourd’hui c’est l’utopie libérale qui mène la dance. D’où le fait que les anciens soixante-huitards français, les ex-communistes yougos, ou bien les scribes postsoviétiques n’ont eu aucun problème à se recycler subitement en de bons apôtres de l’américanisme. Les idées de la parousie communiste sont beaucoup plus réalisables en mimant l’esprit de l’homo americanus. Les ressemblances ? Eh bien, c’est la croyance dans le progrès, l’esprit égalitaire, le faux sentimentalisme, soit sous sa forme biblique, soit sous sa forme eschatologique visant le meilleur des mondes. Bref, tous les deux sont dépourvus du sens du tragique. C’est le signifiant qui nous trompe. Le fond du signifié, pourtant est toujours – le Même.

R&A: Quels sont les piliers idéologiques de ces deux formes de régime ?

TS: Toujours les mêmes quant à l’idéologie du Même : l’égalitarisme, le mondialisme et l’économisme. Non, il ne s’agit pas de la trahison des clercs par la Gauche occidentale et par les anciens apparatchiks soviétiques. Il y a bien longtemps qu’ils s’étaient rendus compte que les grands récits égalitaires et progressistes seraient beaucoup mieux véhiculés par l’Amérique et sa classe politico-médiatique. Le discours sur la fin d l’histoire, la grande « partouze » multiethnique et multiraciale, autrement portée aux nues par les bolcheviks, est cette fois-ci devenue la réalité opérationnelle en Amérique. Il faut préciser que j’utilise les termes américanisme ou homo americanus comme synonymes de libéralisme et d’homo economicus. Ceci dit, il y a des homini americani plus acharnés en Europe qu’en Amérique

R&A: Ne trouvez-vous pas qu’il est un peu hardi de comparer la terreur d’état communiste et le totalitarisme américain ?

TS: Absolument. Je préfère boire du coca que d’imaginer porter le casque soviétique sur ma tête. Entre Guantanamo et le Goulag, chacun son choix ! Mais quelles sont les conséquences pour la survie de l’esprit libre dans l’américanisme à longue durée ?- voilà la question. L’américanisme a réussi à neutraliser la sphère politique d’une manière plus efficace. Même la notion de dissidence, voire l’idée d’une rébellion quelconque, n’a aucun sens dans l’américanosphère. Le mal physique infligé dans les taules communistes et la vie spartiate de l’univers communiste – peu nombreux sont ceux qui tout en se targuant d’antiaméricanisme seraient prêts à renoncer aux délices de l’American way of life ! Moi compris. Mais regardons les choses à l’inverse. Peu nombreux furent ceux, dans l’univers communiste, qui voulurent échanger leur comportement d’homo sovieticus contre celui d’homo americanus sans se rassurer au préalable grâce à l’image-miroir d’une Amérique riche et opulente. Ce fut la comparaison avec son homologue américain dans l’imaginaire de l’homo sovieticus qui conduisit l’Union soviétique à la débâcle. Imaginez un monde effrayant où l’on perd la notion de comparaison. L’Amérique, étant aujourd’hui le seul hégémon au monde, et n’ayant pour l’instant aucun double, y a bel et bien réussi.

R&A: La démocratie existe-t-elle en Amérique ?

TS: Le terme « démocratie » est la plus grande blague lexicale du dernier millénaire ! Quand quelqu’un s’écrie « vive la démocratie » !, je me demande à qui cela sert-il, cui bono, qui a intérêt à se parer de ce vocable ? Vous pensez à Tocqueville ou bien à Evola qui nous on décrit la démocratie en Amérique ? Ou bien à Kim Il Sung qui fut un démocrate à part entière comme son homologue Bush et d‘autres figures politiques plus récentes ? Nos ancêtres gaulois, islandais, et même les Illyriens ou proto-Slaves de ma région furent démocrates — chacun à sa façon. Peut–être le furent-ils même plus que nous-mêmes ? En effet, de quelle démocratie parle- t- on aujourd’hui? Plébiscitaire ? Totalitaire ? Représentative ? Ça me dépasse. L’Amérique est un pays qu’on pourrait qualifier de ploutocratie oligarchique au sommet, mais avec une base qui repose encore sur un fonds populaire et démocratique.

R&A: A mes yeux, il y a toutefois une énorme différence entre le communisme et l’américanisme: la liberté d’expression qui me parait totale en Amérique ?

TS: Cela va sans dire. L’Amérique avec ses grands espaces me manque. La Constitution américaine, bien loin de la fameuse loi Fabius -Gayssot, vous donne le droit de porter les armes et d’arborer sur votre poitrine n’importe quel signe distinctif, que ce soit la croix gammée, l’étoile rouge ou un médaillon de la Vierge Marie. Mais attention. Il faut distinguer entre le corpus législatif et les contre-pouvoirs médiatique et académique qui utilisent parfois des méthodes beaucoup plus répressives qu’en Europe pour faire taire les critiques. C’est la notion de ridicule dont les faiseurs d’opinion se servent pour faire taire les trouble-fête. On a beau être démonisé comme facho-monstre, comme c’est le cas en France, on vous accordera néanmoins une certaine dose de crédibilité. En Amérique, en revanche, une fois que vous et votre travail deviennent la cible du ridicule médiatique, vous n’existez plus. La plupart des mouvances racialistes et nationalistes en Amérique ne sont pas considérées comme sérieuses du fait même de leur mimétisme avec le Double paléo-fasciste de provenance hollywoodienne ; de ce fait, ils ne peuvent inspirer aucune crédibilité. On peut parler de grotesque infrapolitique. Le système américain a besoin de ces farfelus nazis hollywoodiens afin de montrer au monde que l’Amérique est le pays de la plus grande tolérance. C’est faux. Les usines à penser, les universités et les grands media fonctionnent d’une manière crypto-soviétique et utilisant le jeu du ridicule pour discréditer l’adversaire. A quoi bon posséder la protection de la loi quand l’esprit libre n’arrive jamais à rien dire au plus grand monde ? Tous les groupuscules dissidents sérieux, tous les partis politiques dès qu’ils acquièrent une certaine visibilité, sont immédiatement mis sous surveillance. De puissants lobbies tels le SPLC et l’ADL usent de leur poids auprès des universités et des maisons d’édition pour discréditer chaque idée non conformiste. Prenez le cas de Pat Buchanan ou du professeur Kevin Mac Donald qui furent mis au pas, ce sont deux bons exemples du procédé.

R&A: Existe-t-il des tabous au sein de la société américaine ?

TS: Il y a des tabous que les Américains ont eux- mêmes créés et qui sont typiques de l’autocensure paléo-puritaine. Mais il y a des tabous imposés par le système libéral, tels que la religion civique de l’Holocauste et le dogme de l’infaillibilité du système multiracial. Certes, par rapport à l’Europe, on peut parler ouvertement et d’une manière critique de n’importe quoi, mais en général, on ne peut s’exprimer que dans des groupes marginaux qui ont peu d’impact sur les idées dominantes.

R&A: Reconnaît-on l’existence des races aux Etats-Unis ou les nie-t-on comme en Europe ?

TS: A notre époque du politiquement correct, la notion de race ne peut avoir droit de cité. On trouve l’explication de cette éclipse dans les années d’après la Deuxième guerre mondiale, quand s’est instauré le nouvel ordre mondial. À titre privé, nous tous, de droite ou de gauche, et de n’importe quelle race, savons fort bien que les races existent bel et bien. Au niveau juridique, on fait semblant, en Europe et en Amérique, de considérer que les races sont uniquement une question exotique de peau différente et rien d’autre. Or dites- moi combien de Prix Nobel en sciences sont-ils décrochés chaque année par des Blancs et combien par des Nègres ? A l’heure actuelle et malgré l’idéologie du métissage qui règne en Occident, les Américains blancs ont une conscience raciale plus prononcée que les Européens blancs. C’est ce que mon collègue, le sociobiologiste Kevin Macdonald appelle « implicit whiteness ». N’oublions pas que les mythes fondateurs américains trouvèrent une base solide dans la pensée racialiste. Les penseurs des Lumières étaient à des années lumière de la pensée dominante supraracialiste qu’on prend aujourd’hui pour argent comptant.

R&A: Comment définiriez-vous l’américanisme ?

TS: Il y a eu un glissement sémantique avec ce vocable. En Europe, on utilise souvent ce terme et dans un sens nettement péjoratif. L’Américanisme signifie aujourd’hui un système-monde gouverné par le capital de façon métastatique. En ce qui concerne la fameuse Amérique profonde, notamment l’antebellum South qui persiste encore dans quelques contrées et que j’aime bien — c’est autre chose et cela n’a rien à voir avec l’américanisme d’aujourd’hui . Je renvoie vos lecteurs à Maurice Bardèche et à son beau livre Sparte et les Sudistes.

R&A: Quelles sont les origines du politiquement correct ?

TS: Les origines du politiquement correct sont à chercher dans les événements qui ont accompagné les purges d’intellectuels au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, en France et en Allemagne. J’ai rédigé un long article sur la genèse du langage politiquement correct dans la revue Catholica. En Amérique, le politiquement correct trouve ses origines dans le mélange de la pensée vétérotestamentaire et de la pensée marxiste.

R&A: Quelles sont les sources du fondamentalisme américain ?

TS: La Bible. Où que l’on tourne les yeux en Amérique, à droite et à gauche, on s’aperçoit de l’hypermoralisme du langage. Et cet hypermoralimse provient directement de la Bible. La Bible donne une parfaite bonne conscience, même dans ses modalités séculières, aux élites américaines, surtout lorsqu’ elles se lancent dans des guerres incessantes contre la notion de Mal. Autrefois, ce Mal absolu fut incarné par le Sud ; ensuite ce fut le tour des Allemands et ensuite vinrent les communistes. Aujourd’hui, le Mal absolu est incarné par les Islamistes. L’Amérique est par excellence un pays dont la théologie politique est centrée sur la Bible.

R&A: En quoi les Juifs peuvent apparaître comme des facteurs dissolvants de l’Amérique traditionnelle ?

TS: On peut poser la même question concernant l’Europe. Il y a une tonne de livres qui vous expliquent ce malaise et notamment les ouvrages académiques de Kevin Macdonald qui rencontrent un grand écho chez les racialistes blancs aux Etats-Unis. Toujours le Même qui veut être le Double, à savoir le Goy qui se veut plus juif que les Juifs eux-mêmes. Le problème ne réside pas dans les Juifs mais bien dans le mimétisme monothéiste qui par le biais de l’avatar chrétien se manifeste chez tous les Européens. Ce sont les Chrétiens sionistes en Amérique (ou ici l’Europe catholique traditionnelle) qui n’arrivent pas à se débarrasser de cette névrose philosémite et de son Double antisémite. De nouveaux chaos nous attendent.

R&A: Vous parlez de l’Ecole de Francfort. Pourriez-vous nous rappeler qui sont ses promoteurs et leurs idées fondamentales ? Diriez-vous comme votre préfacier Kevin MacDonald qu’ils ont mis au point un programme de guerre ethnique ?

TS: Afin de comprendre les idées qui gouvernent le monde, et tracer la pathogenèse du politiquement correct, if faut absolument étudier à fond la pensée de la fameuse Ecole de Francfort. C’est là que réside le problème fondamental de notre époque. L’Ecole de Francfort et ses émules, comme les philosophes marxisants Horkheimer, Adorno, Marcuse, ont complètement détruit par leurs écrits la notion de sacré chez les jeunes Européens et par-dessus tout imposé par le biais des victimologies surréelles un sentiment de culpabilité pathologique chez tous les peuples blancs.

R&A: Peut-on considérer que les oligarchies qui dirigent le monde ont fait des Etats-Unis un vaste laboratoire de leurs théories et idées comme préalable à la future société mondiale universalisée ?

TS: Les premières esquisses de ce monde universalisé nous furent déjà tracées par les théologiens chrétiens avec leur civitas dei. Donc rien de nouveau sous le soleil. Sauf que dans le monde des satellites et des ordinateurs, ce monde se rétrécit ; le sens de l’espace perd son sens. La bonne nouvelle, et j’espère que je ne me trompe pas, c’est que nous sommes déjà entrés dans l’implosion générale. Sauve qui peut !

R&A: L’Amérique n’est –elle pas en train de donner naissance au dernier homme dont parlait Nietzsche ?

TS: Tout à fait. Sauf que l’homo americanus n’est pas propre à la seule Amérique. C’est une figure transpolitique mondiale qui réside partout et surtout en Europe.

Tomislav (Tom) Sunic (http://TomSunic.com/) est écrivain, traducteur, ancien professeur de sciences politiques aux États-Unis, et ancien diplomate croate. Il est le conseiller culturel de l’ American Third Party Position (American3P.org/leadership). Il a publié de nombreux articles en anglais, français, allemand et croate dans diverses publications. Il est auteur de Against Democracy and Equality: The European New Right (Arktos, 1990, 2002, 2011), préfacé par Alain de Benoist et Homo americanus: Child of the Postmodern Age (BookSurge, 2007), préfacé par Kevin MacDonald. Ses livres en français, récemment parus, sont La Croatie; un pays par défaut ? (éd. Avatar 2010) et Homo americanus ; rejeton de l’ère postmoderne (éd. Akribea, 2010).

Source: Réfléchir & Agir.

Verfall und Glanz des Nationalismus Nationalismus - Identität - Europäertum Gyula Kurucz (Hrsg.) Edition q Verlags-GmbH, Berlin, 1994

Kein anderes politisches Phänomen vermag so kreativ und so destruktiv zu wirken wie der Nationalismus. Nationalismus kann Metapher sein für letzte Wahrheit und zugleich Allegorie für die Nostalgie des Todes. Kein exotisches Land, kein Gold, keine Frau kann solche Gefühlsausbrüche hervorrufen wie das geheiligte Vaterland, und, alle Freudianer mögen verzeihen, mehr Menschen sind für die Verteidigung ihres Vaterlands gestorben als für die Verteidigung der Ehre ihrer Frauen. Wenn wir davon ausgehen, dass politische Macht das stärkste Aphrodisiakum darstellt, so muss der Nationalismus die äußerste Erfüllung sein. Spricht man in angelsächsischen Ländern über Nationalismus, so wird dieser gewöhnlich reflektiert als Ausdruck uralter Stammesriten, als Gewalt und böse Politik, als etwas, das dem Fortschrittsgedanken zuwider läuft. Für einen amerikanischen Liberalen ist Nationalismus traditionell mit irrationalen Impulsen verknüpft, mit etwas Unkalkulierbarem, das zudem den hässlichen Zug aufweist, kaufmännische Denkungsart zu verderben. Ein Kaufmann liebt weder Grenzen noch nationale Symbole, seine Ehre sind seine Handelsgüter, seine Freunde sind die, die auf dem weltweiten Markt die besten Offerten unterbreiten. Es ist kein Zufall, dass der Kaufmann während des Zweiten Weltkriegs die Allianz mit dem Kommissar vorzog, ungeachtet dessen, dass die Grausamkeit des Kommissars oftmals die des Nationalisten in den Schatten stellte. Daniel Bell hat einmal geschrieben, amerikanische Liberale fänden es schwierig, ethnische Verblendung überhaupt zu verstehen, da die amerikanische Denkungsweise „räumlich und zeitlich nicht festgelegt" sei. In der Tat muss es einem insularen Geist absolut närrisch erscheinen, wenn er zwei Völker beobachtet, die sich um einen kleinen Bach oder einen winzigen Streifen Land streiten, wenn zudem kaum ökonomischer Vorteil im Spiel ist. Der Politiker in Amerika ist, im Gegensatz zu seinen europäischen Kollegen, für gewöhnlich zunächst Grundstücksmakler, und seine Haltung zur Politik gleicht der zu einer Transaktion.

Ohne Zweifel betrachtet der heutige Amerikaner „on the road", in den Fußstapfen von Jack Kerouac oder Dos Passos, jene ethnische Ausschließlichkeit als etwas Ängstigendes, die heute Osteuropa vom Balkan bis zum Baltikum erschüttert. Die Mystik des territorialen Imperativs, mit ihrem unvorhersehbaren ethnischen „Kessel", muss für die Denkungsweise des „Schmelztiegels" eine grobe Beleidigung darstellen.

Entgegen der weitverbreiteten Auffassung ist Nationalismus keine Ideologie, da ihm die programmatische Dimension fehlt und er sich jeder Kategorisierung entzieht. Bestenfalls kann Nationalismus beschrieben werden als eine Art erdverbundenen Verhaltens mit Resten von Heidentum. Während der Liberalismus mit dem rationalen Singular operiert, bevorzugt der Nationalismus stets den irrationalen Plural. Für den Liberalen ist das Individuum Epizentrum der Politik, für den Nationalisten bedeutet es lediglich ein Partikel in der historischen Gemeinschaft. Um die verschiedenen Spielarten von Nationalismus sichtbar zu machen, könnte man eine europäische Familie beobachten, die am steinigen Strand der französischen Riviera Urlaub macht, und sie mit einer amerikanischen Familie am Sandstrand von Santa Barbara vergleichen. Die erstere wird peinlich genau ihren eigenen kleinen Platz abstecken und auf die Kinder aufpassen; letztere wird in dem Moment, da sie den Strand erreicht, nomadengleich ausschwärmen, jedes Familienmitglied wird dabei seine „privacy" suchen. Nebenbei: Dieses Wort existiert in den kontinentalen europäischen Sprachen gar nicht (und ist mit „private Abgeschiedenheit" nur notdürftig übersetzt).

Nach dem Zweiten Weltkrieg sich für einen Nationalisten zu erklären, bedeutete für einen Europäer etwa so viel wie das Eingehen einer Ehe mit dem Neofaschismus. Angesichts der Asche von Auschwitz waren in der Tat nur wenige gewillt, öffentlich die romantischen Ideen von Dichtern und Prinzen des 19. Jahrhunderts zu preisen, deren idyllische Eskapaden ein Jahrhundert später einem ganz und gar nicht idyllischen Schlachthaus zur Geburt verhalfen. In Jalta betrachtete man dann die Idee eines Europa, das die Liturgie von Blut und Boden sang, als zu gefährlich, und beide Supermächte fesselten diese Erinnerung mittels ihrer besonderen Strategie der „doppelten Zügelung". Nach ihrer Exkursion in den größten Bürgerkrieg der Geschichte entschlossen sich die Europäer, nicht länger über Nationalismus oder Selbstbestimmung zu sprechen. Statt dessen zogen es viele europäische Intellektuelle, besonders die gelehrten Deutschen, vor, ihre unterdrückte nationalistische Energie auf weit entfernte Palästinenser, Sandinisten, Kubaner oder Kongolesen zu richten, statt auf den eigenen ethnischen Kreis. Nationalismus in der dritten Welt wurde für die europäischen Mandarine sowohl zur esoterischen Katharsis all zum exotischen Über-Ego; über die Lage eines Xhosa in Südafrika oder eines Ibo in Nigeria zu theoretisieren oder Trecks nach Kaschmir und Katmandu zu organisieren, wurde zur eleganten Art des sich Wälzens in einem neuen politischen Romantizismus. Diese Stellvertreterart eines Meta-Nationalismus spielte lange Zeit für die untätigen und domestizierten Europäer, die Zeit brauchten, ihre Wunden zu heilen, und die auf eine neue Renaissance warteten, die Rolle eines psychologischen Ruhekissens.

Hat diese Renaissance bereits stattgefunden? Das liberale Zwischenspiel, welches 45 Jahre dauerte und seinen größten Aufschwung nach dem Kollaps seines kommunistischen alter ego erlebte, konnte in der Tat sein Ende finden. Von Iberien bis Irkutsk, von Kasachstan bis Kroatien reklamieren hunderte verschiedene Völkerschaften wieder einmal ihr Recht auf einen Platz unter der Sonne. Die Feststellung, sie würden ihre Stimme allein aus wirtschaftlichen Gründen erheben, ist irreführend, und Liberale machen einen grossen Fehler, wenn sie Nationalismus mit strukturell-funktionellen Paradigmen wegzuerklären versuchen oder wenn sie ihn achselzuckend als Überbleibsel einer traditionell vergangenen Gesellschaft abtun. Im Gegensatz zu weitverbreiteten Annahmen ist der Zusammenbruch des Kommunismus in Europa und in der Sowjetunion sehr direkt verknüpft gewesen mit ethnischen Frustrationen, die über Jahrzehnte geschlummert, sich jedoch zu sterben geweigert hatten. Dies ist das offensichtlich Paradoxe am Ende des 20. Jahrhunderts: Während allenthalben über Integration, multikulturelle Prozesse, Ökumene und kosmische Verbrüderung gesprochen wird, werden überall Brüche, Fissuren und Spaltungen sichtbar. Paradoxes zuhauf: Wenn das kleine Luxemburg einem viel grösseren Slowenien Predigten hielt über die Nützlichkeit des Verbleibens im jugoslawischen Verbund; wenn Präsident Bush, nachdem es ihm nicht gelungen war, die Balten wirklich zu retten, einen künstlichen Satrapen zu Hilfe nahm und den Begriff „Selbstbestimmung" ins Feld führte, was doch längst nur noch die Selbstbestimmung einer Handvoll neuer Machthaber war; oder wenn sowjetische Apparatschiks Sorge heuchelten bezüglich der schlimmen Lage der Palästinenser und gleichzeitig ihre Baschkiren und Meschketen umso schlimmer behandelten.

Heute tritt der Nationalismus in die dritte Phase seiner Geschichte ein und zeigt erneut - vergleichbar einer vielköpfigen Hydra und heulenden Hekuba - seinen unvorhersehbaren Charakter. Muss sich seine Kreativität allein in Gewalt äußern? Ethnische Kriege sind bereits in Nordirland im Gange, im Baskenland, auf Korsika, von Jugoslawien ganz zu schweigen, wo zwei entgegengesetzte Nationalismen das Europa von Versailles in Stücke reißen und die Nachfolger der Vertragasschliessenden mit unbequemen und fordernden Fragen konfrontieren.

Nationalismus tritt in verschiedenen Ländern unterschiedlich auf, und alle Spielarten haben ihre eigene Bedeutung. Nationalismus kann von rechts herkommen, ebenso auch von links. Er kann reaktionär oder progressiv sein, in jedem Fall aber kann er nur existieren, wenn da ein dialektisches Anderes ist. Ohne die Konfrontation mit dem aggressiven französischen Jakobinismus hätte der deutsche Nationalismus des 19. Jahrhunderts nicht gedeihen können; der moderne englische Nationalismus ist nicht denkbar ohne die Heimsuchungen durch das aggressive Preußen. Jeder Nationalismus braucht sein Feindbild, sein Bild des Bösen, denn Nationalismus ist erklärtermaßen der Ort politischer Polarisierung, wo der Unterschied zwischen Feind und Freund, zwischen „hostis“ und „amicus“, bis zu seinem tödlichen Paroxysmus vorangetrieben wird. Konsequenterweise ist es dann kein Wunder, dass ethnische oder gar interethnische Kriege (wie zur Zeit zwischen Kroaten und Serben) zu den grausamsten überhaupt gehören, wobei beide Seiten einander schmähen, sich verteufeln und für die totale Vernichtung des jeweils anderen beten.

Hinzu kommt, dass jeder Nationalismus parallel zu seinem positiven Gründungsmythen sich auch seiner negativen Mythologie bedienen muss, welche in Zeiten heraufkommender nationaler Desaster das Volk für den Kampf mit dem Feind rüstet und bestärkt. Um ihre heutige junge Generation zu mobilisieren, werden also polnische Nationalisten ihre Toten von Katyn auferstehen lassen, die Deutschen ihre in Schlesien und im Sudetenland Begrabenen; die Kroaten werden ihre Ikonographie auf den Massengräbern der Nachkriegsjahre aufbauen, die Serben ihre Hagiographie auf den Opfern der Kriegsgefangenenlager. Leichenzähler, ausgerüstet mit neuesten Statistiken und modernsten Suchgeräten, erhalten Unterstützung durch griffige Metaphern, die gewöhnlich dazu tendieren, die eigene Opferzahl stark erhöht, die des Feindes aber stark reduziert anzugeben. Deutsche Nationalisten sprechen von Polen als „Polacken", und französische Chauvinisten nennen die Deutschen „boches". Wer kann leugnen, dass rassische und ethnische Schmähungen zu den gebräuchlichsten Waffen gehören, die weltweit von Nationalisten gebraucht werden?

Nationalismus ist kein allgemeines Konzept, und liberale Ideologen täuschen sich oft, wenn sie den europäischen Nationalismus auf ein Konzept, eine Kategorie reduzieren wollen. Unterstrichen sei deshalb: Es gibt ausschließlichen, alleinigen (exclusive) sowie anderes einschließenden (inclusive) Nationalismus, ebenso wie es diese beiden Arten von Rassismus gibt. Mitteleuropäer machen im Allgemeinen einen feinen Unterschied zwischen jakobinischem staatsgebundenem zentralistischem Nationalismus sowie auf der Gegenseite dem volksgebundenen Nationalismus in Ostmittel- und Osteuropa. Der jakobinische Nationalismus ist von Natur aus zentralistisch, er zielt auf globale Demokratie, in jüngster Zeit hat er seinen Ausdruck gefunden in dem von George Bush verkündeten ökumenischen Postulat von der „einen Welt". Ironischerweise gab es schon, bevor die Jakobiner überhaupt geboren waren, eine Bewegung in Richtung auf den französischen Nationalismus, und zwar als Produkt einer besonderen geopolitischen Lage, aus der später der moderne französische Staat hervorging. Richelieu oder Ludwig XIV. waren in diesem Sinne ebenso Jakobiner wie ihre späteren Nachfolger Saint-Juste, Gambetta oder De Gaulle. In welche Richtung man im heutigen Frankreich auch blickt - nach links, rechts oder ins Zentrum -, die Antwort ist stets Jakobinismus. Auf ähnliche Weise handelten in England die Tudors und Cromwell (mit ihren Liquidierungen und dem Völkermord in Cornwall und Irland – „ad majorem dei gloriam“- sowie an einer grossen Zahl weiterer ethnischen Gruppen) als zentralistische Nationalisten. Churchill und andere britische Führer des 20. Jahrhunderts retteten das Land 1940, als sie erfolgreich an den Nationalismus appellierten.

Im Gegensatz zu weitverbreiteten Ansichten wurde das Wort „Nationalismus“ im nationalsozialistischen Deutschland kaum benutzt. Statt dessen popularisierten die deutschen Nationalisten in den zwanziger und dreißiger Jahren solche abgeleiteten Begriffe wie „Volkstum“, „Volksheit“ oder „völkisch“, die allesamt etymologisch mit dem Wort „deutsch“ zusammenhingen und während der Naziherrschaft sinnverwandt mit dem Wort „rassisch“ verwendet wurden. Das Wort „Volk“ wurde im frühen 19. Jahrhundert durch Johann Gottlieb Fichte in den deutschen Sprachgebrauch eingeführt, als die Deutschen mit einiger Verspätung begannen, ihr Staatsbewusstsein zu festigen. „Volk“ darf nicht einfach mit dem lateinischen „populus“ oder dem englischen „people“ gleichgesetzt werden. Und eine Ironie der Geschichte ist es, dass die Bedeutung des Wortes „people“ im Englischen durch seinen vielgestaltigen Sinn eher verschwommen ist. „People“ kann ein organisches Ganzes bedeuten (damit ähnlich dem „Volk“), zunehmend aber wird es im Sinne einer Ansammlung vieler einzelner Individuen gebraucht. Ebenso ironisch: Der deutsche Gedanke vom Nationalismus unterdrückten. Ähnlich übernahmen in England Kaufleute und Überseekompagnien die Rolle der Erbauer des Nationalstaats, die der englischen Krone, auch mit Hilfe von Seeräubern, zu Reichtum verhalfen. Interessant auch die Tatsache, dass Churchill während der Schlacht um England mit dem Gedanken spielte, Downing Street und den Westminster Palace in den Mittelwesten der USA zu verlagern - eine Geste, die wohl in einem mitteleuropäischen Staat als nationaler Selbstmord empfunden worden wäre.

Frankreich wurde - wie Amerika - zuerst ein Staat, auf diesem Fundament vollzog sich danach, aus unterschiedlichster Stammesherkunft die Verschmelzung der Menschen zum französischen Volk. Im Gegensatz dazu waren die Deutschen zwar lange ohne Staat, doch immer schon ein geschlossenes Volk. Die Geschichte Frankreichs dagegen ist hauptsächlich eine Geschichte des Völkermords; französische Herrscher, von den Kapetingern und Bourbonen bis hin zu den Jakobinern der Neuzeit betrieben systematisch die Ausrottung von Ozitaniern, Vendéern, Bretonen und anderen Völkerschaften. Unterdrückung von Regionalismus und Regionalbewusstsein zählte zu den wichtigsten Kennzeichen der französischen Akkulturation - bis hin zu dem jüngsten Versuch, Araber aus den Ländern des Maghreb zu „französieren". Heute zahlt Frankreich den Preis für seine Träume von Egalité und Universalismus. Einerseits versucht es, den Massen von Einwanderern aus der dritten Welt universelle Werte und Gesetze überzustülpen, andererseits muss es täglich für seine multirassischen sozialen Schichten das Prinzip der Selbstbestimmung proklamieren. Betrachtet man das Ganze aus historischer Perspektive, so spricht alles dafür, dass Frankreich zum Spitzenkandidaten dafür geworden ist, dass von ihm rassische Kriegführung auf ganz Europa übergreift.

Der Blick auf Deutschland und die osteuropäischen Staaten enthüllt dem scharfen Auge sofort eine unruhige Region mit fließenden Grenzen, „Saison-Staaten", jedoch mit stark kultur und geschichtsbewussten Völkern. Mittel- und Osteuropa verfügen über weit zurückreichende Erinnerungen, doch die dortigen Grenzen sind keineswegs klar gezogene ethnographische Linien. Deutschland z. B. bietet das Bild eines offenen und kaum definierten Staates, zugleich aber ist es eine in sich geschlossene Gesellschaft. Im Gegensatz dazu sind das jakobinische Frankreich, das funktionalistisch denkende England und Amerika geographisch geschlossene Staaten, aber offene Gesellschaften. In diesen Ländern war der Nationalismus stets einschliessend (inclusive) and trat mit globalen wie imperialistischen Ansprüchen auf, indem er seine zentralistische Botschaft weltweit sehr verschiedenen Völkern vermittelte.

Auch die Ethnopsychologie der europäischen Völker ist durch die geographische Lage beeinflusst worden. Der Deutsche war lange Zeit ländlich geprägt; sein psychologischer Habitus und sein Auftreten sind korporativ und erdverbunden. Er zeigt grosse Verbindlichkeit, doch mangelt es ihm an Höflichkeit; wie die meisten Landbewohner ist er gewöhnlich schwerfällig und tut sich schwer mit sozialen Beziehungen. Im Gegensatz dazu ist der Franzose, unabhängig von ideologischen Bindungen und sozialem Hintergrund, fast immer Kleinbürger; mit bestem Auftreten und Stil, doch voller Anmaßung. Anders als der deutsche Nationalist entwickelt der französische ein Übermaß an Stil, doch ohne Verbindlichkeit. Selbst der ignoranteste ausländische Tourist wird bei den Deutschen etwas neblige und unberechenbare Züge feststellen, während er gleichzeitig erfreut ihren Sinn fär professionelle Korrektheit und absolute Ehrbarkeit zur Kenntnis nimmt. Im Gegensatz dazu werden Körpersprache und Manieriertheit der Franzosen, so angenehm sie auch erscheinen, häufig einen perplexen Eindruck und Enttäuschung hinterlassen.

Im Verlauf ihrer Ethnogenese hat die Sprache den jeweiligen Völkern letzten „Anstrich" verliehen. Die deutsche Sprache ist eine organische, unendlich verästelte Sprache; sie ist zugleich die reichste europäische Sprache. Die französische Sprache, mit grossen Ähnlichkeiten zur englischen, ist eine begrenzte Sprache, die sich mehr im Kontext als in der Flexion entfaltet. Als idiomatische Sprachen sind das Französische und Englische ideal für maritime Handelstreibende wie für die Geschäftigkeit eines Hafens. Im Laufe der Geschichte, beim Drang der Engländer und Franzosen nach Universalismus, haben sich das „sabir“-Französisch und das „Pidgin“-Englisch sowohl als erstaunlich homogenisierende Mittel wie als handhabbare Faktoren bei der Akkulturation erwiesen. In der Folge wurden Englisch und Französisch universelle Sprachen, im Gegensatz zum Deutschen, das sich niemals aus seinem geographischen Dunstkreis hinausbewegt hat.

Die deutsche Idee vom Reich eignete sich über Jahrhunderte perfekt für die offenen Landstriche Europas, in denen diverse, eng verbundene Gemeinschaften lebten. Weder Habsburger noch Brandenburger haben jemals versucht, die nicht-germanischen Völker ihrer Jurisdiktion zu unterwerfen oder sie zu assimilieren, wie das die Franzosen und Engländer in ihren Territorien taten. Die Donaumonarchie war, ungeachtet ihrer Mängel, eine stabile Gesellschaft, erprobt in fünfhundertjährigem Bestehen. Während des ersten und zweiten Reiches verfügten die Regionen, Städte und Dörfer innerhalb der Grenzen Österreichs und Preußens über ein großes Mass an Eigenbestimmung, was sie häufig verwundbar machte gegenüber französischen, schwedischen und englischen imperialen Ambitionen.

Das deutsche „Volk“ ist ein aristokratischer wie auch ein demokratischer Begriff, da die Beziehungen zwischen der einheimischen Aristokratie und dem deutschen Volk traditionell organisch waren. Anders als Frankreich oder England hat Deutschland kaum jemals mit ausländischer Versklavung experimentiert. Die ethnischen Unterschiede zwischen Aristokratie und Volk sind in Deutschland minimal; im Gegensatz dazu hat sich die Aristokratie in Frankreich, Spanien und England für gewöhnlich aus der nordeuropäischen Herrscherkaste rekrutiert, und nicht aus der Quelle des eigenen Volkes. Folglich kann man selbst heute noch, trotz aller Forderungen der Französischen Revolution, größere rassische Differenzen zwischen einem französischen Aristokraten und einem gewöhnlichen Franzosen feststellen, als zwischen deutschen Aristokraten und Normalbürgern. In Deutschland wurzelte die Beziehung zwischen „Eliten" und „Gemeinen" stets in ganzheitlicher Umgebung, als Folge blieb man eine Gesellschaft, die kaum einen ausgearbeiteten Gesellschaftsvertrag benötigt. Die sozialen Beziehungen sind auf horizontale Hierarchie und geschlossene Strukturen gegründet, zusätzlich gestützt durch die Idee von der „Gleichheit unter Gleichen". Dagegen kann man die englische und französische Gesellschaft als vertikal hierarchisch und äußerst geschichtet bezeichnen; in der Konsequenz kann es nicht überraschen, dass der französische und englische Rassismus zu den bösartigsten Spielarten auf der Welt gehören. Hier sollte man daran erinnern, dass die ersten Rassengesetze unseres Jahrhunderts nicht in Deutschland in Kraft traten, sondern im liberalen Amerika und England.

Politologen werden eines Tages darüber nachdenken, warum die kräftigsten egalitären Impulse in Frankreich und Amerika zu beobachten sind, zwei Ländern, die noch bis vor kurzem die härtesten Formen des Rassismus praktiziert haben. Sind wir heute Zeugen einer besonderen Form von Gewissensbissen oder nationalem Masochismus, oder einfach einer egalitären Form von einschliessendem (inclusive) Nationalismus? Solcher Nationalismus und Rassismus, die sich in Universalismus und globalem Anspruch manifestieren, versuchen den Unterschied zwischen Ausländern und Einheimischen zu tilgen, obwohl der Ausländer in Wirklichkeit stets gezwungen ist, die legale Suprastruktur seiner nun „reuevollen" weißen Herren zu akzeptieren. Indem er seine rassistische Vergangenheit scheinbar beiseiteschiebt, jedoch seine universalistische Botschaft ins Extreme steigert, zeigt der Westen paradoxerweise, dass er heute kein bisschen weniger rassistisch ist, als er es gestern war. Ein elitärer Denker wie Vilfredo Pareto hat dazu geschrieben, dass liberale Systeme im Niedergang sich mehr um die Herkunft ihrer Hunde zu sorgen scheinen als um die Herkunft ihrer Nachkommen. Und ein Linker, Serge Latouche, bemerkte kürzlich, dass die liberalen Rassisten, während sie die Flagge des ethnisch-nationalen Masochismus schwenken, zugleich ihren „dekorativen Farbigen" liberale Werte und Rechtsnormen aufzwingen.

Völkern und ethnischen Gruppen geht es wie Zweigen und Blutenblättern; sie wachsen und sterben ab, selten nur erstehen sie wieder. Frankreich und England mögen ihre glorreiche Vergangenheit beschwören, doch diese Vergangenheit wird unweigerlich mit der neuen, ethnisch vielfältigen Realität verbunden werden müssen. Litauen war vor mehreren Jahrhunderten ein gigantisches kontinentales Imperium, heute ist es nur ein Fleckchen auf der Karte. Das unbedeutende Moskau des 15. Jahrhunderts wurde zum Zentrum des folgenden russischen Reiches, weil in anderen Fürstentümern, wie Susdal oder Nowgorod, mehr über Ästhetik als über Machtpolitik reflektiert wurde. Große Katastrophen, wie Kriege und Hungersnöte, können Vorboten des Zusammenbruchs einer Nation sein, doch ebenso können Zügellosigkeit und demographischer Suizid den Ausgang des menschlichen Dramas bestimmen. Das postideologische Europa wird sehr bald entdecken, dass es sich nicht für ewig in die Abhängigkeit von Ideen technokratischer Eliten begeben kann, die der Chimäre eines „gemeinsamen europäischen Marktes" hinterherjagen. Wie stets, so wird auch diesmal die Bedeutungsschwere von kostbarem Blut und heiligem Boden überspringen von denen, die ihr Schicksal am besten zu meistern wissen, auf jene, die bereits entschlossen waren, ihr Schicksal aufzugeben. Oder, um Carl Schmitt zu paraphrasieren: Wenn ein Volk sich von der Politik abwendet, so bedeutet dies nicht das Ende der Politik; es bedeutet einfach das Ende eines schwächeren Volkes.

Grande Europe et terrorisme intellectuel RIVAROL (le 16 mai, 2003)

C'est le 16 avril, après le oui triomphal (83,8 %) des Hongrois à l'Union, qu'a été "couronnée" à Athènes l'Europe de 25, sanctionnée par un traité de 5 000 pages qu'ont signé pour la France Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin avec la bénédiction de Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, sous l'égide de laquelle s'inscrit donc la "Nouvelle Europe". Un parrainage assez inquiétant, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression. La police de la pensée est difficile à repérer car elle se cache souvent sous les concepts rassurants de "démocratie" et "droits de l'homme." Si les Quinze exhibent volontiers les beautés de leurs paragraphes constitutionnels, ils admettent rarement les ambiguïtés de leur Code pénal. Et c'est dans une grande discrétion que l'an dernier, la Commission européenne avait tenu a Bruxelles, et à Strasbourg des réunions d'une importance historique sur l’avenir de la libre parole.

Sujet de discussion? La promulgation de la nouvelle législation européenne instituant le "crime de haine" et appelée à se substituer aux législations nationales pour devenir automatiquement la loi dans tous les Etats européens, de la Grèce à la Belgique, du Danemark au Portugal. Si bien que toute personne poursuivie pour "crime de haine" dans tel pays de l'Union pourra être jugée et condamnée dans tel autre.

Rétrospectivement, cette loi supranationale apparaît inspirée du code criminel communiste de la défunte Union soviétique ou de l’ex- Yougoslavie communiste, lequel a recouru pendant des décennies à un méta-langage irréel, surtout dans les paragraphes portant sur "la propagande hostile" (Code criminel, Article 133). Une telle abstraction sémantique pouvait s'appliquer à tout dissident - qu'il se soit livré à des violences physiques contre l'Etat yougoslave ou qu'il ait simplement proféré quelque blague.

Pour l'instant, le Royaume-Uni témoigne du degré le plus élevé des libertés civiles en Europe, l'Allemagne le plus bas. Le Parlement britannique a récemment rejeté le principe "de crime de haine", proposé par divers groupes de pression - ce qui n'empêche pas que outre-Manche, des allogènes poursuivis par des "de souche" aient bénéficié d'un non-lieu, les juges hésitant à prononcer des peines sévères de crainte d’être accusés eux-mêmes de cultiver un « préjugé racial ». Ainsi, indépendamment du manque de censure en Grande-Bretagne, un certain degré d’autocensure existe, que la loi proposée par l'UE entérinera donc.

Depuis 1994, l'Allemagne, le Canada et l'Australie ont renforcé leur législation contre les déviants, révisionnistes et nationalistes en particulier. Plusieurs centaines de citoyens allemands, y compris un certain nombre d’intellectuels, ont été accusés d'incitation à la haine raciale ou de « négation de l’Holocauste », cela sur la base d’un néologisme bizarre et néo- totalitaire relevant de l'article 130 ("Volkshetze" : incitation aux ressentiments populaires).

Vue le caractère alambiqué des articles, il devient facile de mettre n’importe quel journaliste ou professeur en mauvaise posture s’il ose s’éloigner du credo sur l’histoire contemporaine ou critiquer le nombre élevé d'immigrés extra-européens. En Allemagne, par exemple, contrairement à l’Angleterre et à l’Amérique, il y a une longue tradition légale d’après laquelle ce qui n'est pas explicitement permis est interdit. En Amérique et en Angleterre, la pratique légale présuppose que ce qui n'est pas spécifiquement interdit est permis. C’est la raison pour laquelle l'Allemagne a adopté des lois rigoureuses contre le « négationnisme ». En 2002, lors de sa visite en Allemagne, l’historien américain d’origine juive, Norman Finkelstein a suggéré à la classe politique allemande de cesser d'être la «victime délibérée » des groupes de pression "de l'industrie de l’holocauste" ( titre de son essai tant controversé). Il a également fait remarqué que l’attitude servile des Allemands pourrait être totalement contre-productive en favorisant un antisémitisme aujourd’hui bien caché. Mais personne n’a su réagir positivement aux avertissements de Finkelstein, de peur d'être dénoncé comme antisémite. A l’inverse, le gouvernement allemand a accepté pour la énième fois de verser 5 milliards d'euros supplémentaires aux 800 000 survivants de la Shoah.

Quand on interdit la discussion de matières taboues, le climat de lâcheté intellectuelle s’alourdit. Une nation empêchant la libre parole et l'expression libre de vues politiques diverses – même si ces vues peuvent paraître aberrantes – peut-elle être encore appelée démocratique ? Bien que les Etats-Unis se targuent de leur «First Amendement », le discours libre dans les média et dans les universités y est pratiquement impossible. L’autocensure didactique l’emporte. Souvent les professeurs américains évitent les expressions ou avis politiquement incorrects, redoutant de compromettre leur carrière. Une pratique croissante en Amérique veut que les professeurs donnent de bonnes notes à des médiocres étudiants de souche non européenne, afin d'éviter des ennuis judiciaires, ou pis, de perdre leur travail.

En France, depuis la loi Fabius-Gayssot, proposée par un député communiste et adoptée en juillet 1990 (puis aggravée à l’initiative du député chiraquien Pierre Lellouche en décembre 2002), toute personne exprimant en public un doute au sujet de l’historiographie contemporaine risque de sérieuses amendes et même l'emprisonnement. Un certain nombre d'auteurs et de journalistes français, allemands et autrichiens sont persécutés, pourchassés, emprisonnés, d’autres ont demandé l'asile politique en Syrie, en Suède ou en Amérique. Quelques-uns se sont même installés dans les pays de l’Est. Des mesures répressives semblables ont été récemment décrétées en Australie, au Canada et en Belgique multiculturelle. Plusieurs dirigeants nationalistes est-européens, en particulier croates, souhaitant rendre visite à leurs compatriotes expatriés au Canada ou en Australie n’ont pas obtenu le visa pour ces pays en raison de leurs prétendues vues «extrémistes ».

Pour l'instant la Russie et d'autres pays ex-post-communistes ne pratiquent pas la même répression de la pensée libre et l’on voit dans les libraires croates des traductions d’ouvrages français ou allemands impubliables en France ou en Allemagne. Mais en raison de la pression croissante de Bruxelles et de Washington, cela va changer. L’adhésion à l’Union européenne des anciens satellites requiert de ces derniers un alignement sur la pensée unique et l’apprentissage d’une nouvelle langue de bois aussi redoutable que celle de l’époque communiste.

Croire que la terreur d'Etat, c’est-à-dire le totalitarisme, ne peut qu’être le produit d’une idéologie violente véhiculée par une poignée de bandits, est fort répandu et l’on a beaucoup entendu cet argument récemment à propos de l’Irak . Mais cette idée est fausse. La démocratie triomphante aussi, qui pousse à l’abdication intellectuelle dans le grand consensus mou, constitue une tentation totalitaire. Le terrorisme intellectuel grandit et se propage grâce à la croyance généralisée que, d’une façon ou d’une autre, les choses finiront par s’améliorer toutes seules. Or, l'apathie sociale croissante et l’autocensure galopante parmi un nombre croissant d’intellectuels européens apportent de l’eau au moulin de la police de la pensée. Au fond, comme l’écrit Claude Polin, l'esprit totalitaire est l'absence de tout esprit.

TOMISLAV SUNIC
(écrivain croate)

Homo sovieticus, homo americanus ? Catholica Hiver 2007-08, Nr. 98

Tomislav Sunic, essayiste croate et traducteur, ayant longuement séjourné aux Etats-Unis où il a enseigné la science politique, vit actuellement dans son pays d'origine. Il a récemment publié un ouvrage intitulé Homo Americanus : Child of the Postmodern Age (BookSurge, Charleston 2007, 15.99 $), avec une préface de l'historien Kevin MacDonald. L'auteur a accepté de s'expliquer sur le parallèle suggéré par son titre, de prime abord audacieux, avec l'homo sovieticus de Zinoviev.

CATHOLICA - Vous effectuez une longue comparaison entre le système soviétique et le système américain, et entre les types humains qui les caractérisent. Dans la description de la culture sociale américaine, vous notez une sorte de phobie de l'autorité, sous l'effet de l'égalitarisme. Peut-on vraiment établir un parallèle avec le communisme?

TOMISLAV SUNIC - Un mot tout d'abord au sujet du titre de mon livre. J'ai d'abord été tenté par l'expression boobus americanus, inventée par le grand écrivain américain, H. L Mencken. Mais le boobus a une connotation limitée, restreinte au cadre provincial des Etats Unis; cette expression décrit plutôt un Américain un peu bête et d'esprit provincial (on dirait en France un plouc) ne reflétant guère le système-monde comme le font si bien les expressions homo sovieticus et homo americanus.

A propos de l'autorité, de laquelle parle-t-on? On n'a pas forcément besoin de la police et de l'armée pour imposer son autorité. En dehors des grandes métropoles américaines et en dehors de quelques cercles clos qui partagent les mêmes intérêts intellectuels, l'Amérique est un pays très autoritaire au sens large du terme. C'est la fameuse autocensure américaine relevant de l'esprit calviniste et vétérotestamentaire qui rend la vie difficile dans les petites villes américaines pour un intellectuel européen. Rien à voir avec le vrai individualisme civique et spirituel dont, malgré l'américanisation outrancière, on perçoit encore les signes en Europe. Le prétendu individualisme américain est une contradiction en soi ; partout règne l'esprit grégaire qui se manifeste, bien sûr, en fonction de la tribu, du lobby politique, ou de la chapelle religieuse à laquelle on appartient. Tocqueville en parle dans son livre, De la démocratie en Amérique. Or le problème inquiétant, c'est que les Américains se perçoivent et se posent devant le monde entier comme des individualistes et des libertaires modèles alors qu'en réalité, tout véritable individualisme est incompatible avec l'esprit de l'homo americanus. A l'instar de l'Union Soviétique, la réussite professionnelle en Amérique exige qu'on "joue le jeu" et qu'on ne "fasse pas de vagues." Cette fausse convivialité Âœcuménique est surtout visible aujourd'hui dans l'Amérique multiculturelle où il faut être extrêmement prudent dans le choix des mots. Même le terme "multiculturalisme" que l'on utilise abondamment en Occident est un tic de la langue de bois américaine dont la naissance remonte aux années 1970. Multiethnisme conviendrait mieux pour décrire la situation atomisée du système américain... et occidental.

Quant au système ex-soviétique et à sa prétendue structure pyramidale et hiérarchique il nous faut nous débarrasser des demies vérités relayées par les ex-soviétologues et autres kremlinologues occidentaux. Le système communiste fut parfaitement démocratique au vrai sens du terme. Une fois terminés les grands massacres et achevée l'élimination des élites russes et est- européennes dans les années 1950, de larges masses purent jouir, en Russie comme en Europe orientale, et dans le moule communiste, d'une qualité de vie dont on ne pouvait que rêver en Occident. La vie sans soucis, quoique spartiate, assurait à tous une paresse facile --- pourvu qu'on ne touchât pas au mythe fondateur communiste. Alexandre Zinoviev fut l'un des rares écrivains à bien saisir l'attraction phénoménale et la pérennité de l'homo sovieticus". En fait, si le communisme a disparu à l'Est, comme l'a dit Del Noce, c'est parce qu'il s'est encore mieux réalisé à l'Ouest, notamment en Amérique multiethnique et égalitaire.

Dans votre livre, vous procédez à l'analyse du décor et de l'envers du décor, si je puis m'exprimer ainsi. Par exemple, vous relevez que les grands médias, dans l'image qu'ils cultivent sans cesse d'eux-mêmes, se présentent comme des contestataires du pouvoir, alors qu'en réalité ils en constituent l'un des principaux piliers. Vous vous intéressez ainsi non seulement aux représentations conceptualisées, mais également au langage et à sa transformation. Pouvez-vous dire ce qui a attiré votre attention sur ces points, et en particulier quelle fonction vous attribuez à la «gestion de la langue»?

En Amérique, les grands médias ne constituent aucunement un contre-pouvoir. Ils sont le pouvoir eux-mêmes et ce sont eux qui façonnent le cadre et le dénouement de tout événement politique. Les politiciens américains sondent au préalable le pouls des medias avant de prendre une décision quelle qu'elle soit. Il s'agit d'une synthèse politico- médiatique qui règne partout en Occident. Quant au langage officiel utilisé par les faiseurs de l'opinion américaine tout discours politico- médiatique est censé recourir aux phrases au conditionnel ; les politiciens et les medias, et même les professeurs d'université, abordent toujours les thèmes politiques avec une grande circonspection. Ils recourent de plus en plus à des locutions interrogatives telles que "pourrait- t-on dire? " ou "le gouvernement serait-il capable de"..?", etc. Ici, nous voyons à nouveau l'auto-abnégation chère au calvinisme mais transposée cette fois dans le langage châtré de la communication officielle. Les phrase lourdes, à connotation négative, où on exprime un jugement de valeur, disons sur Israël, l'Iraq, ou un autre problème politique grave, sont rares et prudemment feutrées par l'usage d'adjectifs neutres.

Cette "langue de coton", de provenance américaine, on la voit se propager de plus en plus en France et en Allemagne. On est témoin de locutions américaines très en vogue et "soft" en Europe qui disent tout et rien à la fois : je pense notamment aux adverbes neutres de provenance américaine tels que "considerably", "apparently" etc. - dont l'usage fréquent permet à tout homme public d'assurer ses arrières.

Pouvez-vous, en tant que vous-même avez été professeur dans une université américaine bien représentative, indiquer quelle couche de l'intelligentsia possède un pouvoir réel, et de quelle manière concrète elle l'exerce au quotidien, en particulier dans le contrôle du langage, et pour quelle raison il en va ainsi?

Contrairement à ce qu'on dit en Europe, les universités américaines, surtout les départements de sciences sociales, jouent un rôle fort important dans la fabrication de l'opinion publique. On lit régulièrement dans la grande presse américaine les "editorials" écrits par des professeurs connus. Quoique l'Amérique se targue de son Premier Amendement, et notamment de sa totale liberté d'expression, les règlements universitaires témoignent d'une véritable police de la pensée. La haute éducation est une chasse gardée des anciens gauchistes et trotskistes recyclés, où toute recherche indépendante allant à l'encontre des mythes égalitaires et multiethnique peut aboutir à de sérieux ennuis (jusques et y compris le licenciement) pour les esprits libres. Nombreux sont les cas où de grands spécialistes en histoire contemporaine ou en anthropologie doivent comparaître devant des "Comités de formation à la sensibilité interethnique universitaires" ("Committees for ethnic sensitivity training") pour se disculper d'accusations de "fascisme" et de "racisme." Malgré la prétendue fin de tous les grands récits, il y a, dans notre postmodernité, un champ de thèmes tabous où il vaut mieux ne pas se hasarder. Très en vogue depuis dix ans, l'expression "hate speech" (discours de haine) n'est que le dernier barbarisme lexical américain grâce auquel on cherche à faire taire les mal-pensants. Le vrai problème commence quand cette expression s'introduit dans le langage juridique du code pénal, comme ce fut le cas récemment avec une proposition législative du Sénat américain (HR 1955). Je ne vois aucune différence entre le lexique inquisitorial américain et celui de l'ex-Yougoslavie ou de l'ex-Union soviétique, sauf que le langage de l'homo americanus est plus insidieux parce que plus difficile à déchiffrer.

A propos du pouvoir (au sens générique), le système américain d'aujourd'hui est-il, ou n'est-il pas le prototype, ou l'aile avancée de la «démocratie» postmoderne, dans laquelle tout le monde est censé contribuer à la «gouvernance» globale sans que personne soit réellement identifiable comme responsable des décisions qu'il prend?

Voilà la mystique démocratique qui sert toujours d'appât pour les masses déracinées ! Dans le système collectiviste de l'ex-Union soviétique, et aujourd'hui de façon similaire en Amérique, on vivait dans l'irresponsabilité collective. Rien d'étrange. L'irresponsabilité civique n'est que la conséquence logique de l'égalitarisme parce que selon les dogmes égalitaires libéralo-communistes, tout homme est censé avoir sa part du gâteau. A l'époque de la Yougoslavie communiste, tout le monde jouait le double jeu de la chapardise et de la débrouillardise, d'une part, et du mimétisme avec le brave homo sovieticus, d'autre part, du fait même que toute propriété et tout discours appartenaient à un État-monstre. Par conséquent, tout le monde, y compris les apparatchiks communistes, se moquait de cet État-monstre dont chacun, à son niveau social, cherchait à tirer un maximum d'avantages matériels.

Le vocable gouvernance n'est qu'un piège supplémentaire du langage technoscientifique tellement cher à l'homo americanus. D'une manière inédite, les classes qui nous gouvernent, en recourant à ce nouveau vocable, conviennent qu'il en est fini de cette ère libéralo-parlementaire, et que c'est aux "experts" anonymes de nous tirer hors du chaos.

On a largement étudié les Etats-Unis comme nouvelle forme d'empire, une forme appelée à périr à force d'étendre ses conquêtes au-delà de ses capacités, selon une sorte de loi inexorable d'autodestruction. Mais au-delà de cette perspective - que l'on supposera ici fondée, par hypothèse - ne peut-on pas voir dans l'américanisme postmoderne la fin de la modernité, fin à la fois comme achèvement et comme épuisement?

Le paradoxe de l'américanisme et de son pendant l'homo americanus consiste dans le fait qu'il peut fonctionner à merveille ailleurs dans le monde et même mieux que dans sa patrie d'origine. Même si un de ces jours, l'Amérique en tant qu'entité politique se désagrège (ce qui n'est pas du tout exclu) et même si l'Amérique disparaît de la mappemonde, l'homo americanus aura certainement encore de beaux jours devant lui dans différentes contrées du monde. Nous pouvons tracer un parallèle avec l'esprit de l'homo sovieticus, qui malgré la fin de son système d'origine est bel et bien vivant quoique sous une forme différente. Oublions les signifiants - regardons plutôt les signifiés postmodernes. À titre d'exemple, prenons le cas des nouvelles classes politiques en Europe orientale y compris en Croatie, où quasiment tout l'appareil étatique et soi- disant non communiste se compose d'anciens fonctionnaires communistes suivis par des masses anciennement communisées. L'héritage communiste n'empêche pas les Croates d'adopter aujourd'hui un américanisme à outrance et de se montrer aux yeux des diplomates des Etats-Unis plus américanisés que les Américains eux-mêmes! Il y a certes une généalogie commune entre le communisme et l'américanisme, notamment leur esprit égalitaire et leur histoire linéaire. Mais il y a également chez les ex-communistes croates, lituaniens ou hongrois, un complexe d'infériorité conjugué à une évidente servilité philo- américaine dont le but est de plaire aux politiciens américains. Après tout, il leur faut se disculper de leur passé douteux, voire même criminel et génocidaire. Il n'y a pas si longtemps que les ex-communistes croates faisaient encore leurs pèlerinages obligatoires à Belgrade et à Moscou ; aujourd'hui, leurs nouveaux lieux saints sont Washington et Tel Aviv. Malgré l'usure de l'expérience américaine aux USA, l'Amérique peut toujours compter sur la soumission totale des classes dirigeantes dans tous les pays est-européens.

L'anti-américanisme de beaucoup de marxistes européens s'est fréquemment mué depuis plusieurs décennies en admiration pour la société américaine. Au-delà du retournement opportuniste, ne croyez-vous pas qu'il puisse s'agir d'une adhésion intellectuelle, de quelque chose comme l'intuition que l'Amérique postmoderne représente une certaine incarnation de l'utopie socialiste, alors même que le capitalisme y domine de manière criante?

Après l'effondrement de son repoussoir dialectique qu'était l'Union soviétique, il était logique que beaucoup d'anciens marxistes européens et américains se convertissent à l'américanisme. Regardons l'entourage néo- conservateur du président George W. Bush ou de la candidate présidentielle Hillary Clinton: il se compose essentiellement d'anciens trotskistes et d'anciens sympathisants titistes dont le but principal est de parachever le grand rêve soviétique, à savoir l'amélioration du monde et la fin de l'histoire. Il n'y a aucune surprise à voir le Double devenir le Même ! L'ancien rêve calviniste de créer une Jérusalem nouvelle, projetée aux quatre coins de monde, se conjugue avec les nouvelles démarches mondialistes de nature mercantiles. Or au moins pour un esprit critique, il y a aujourd'hui un avantage épistémologique ; il est plus facile de s'apercevoir maintenant des profondes failles du système américain. L'anticommunisme primaire de l'époque de la guerre froide qui donnait une légitimité à l'Amérique par à rapport à son Autre n'est plus de mise. On ne peut plus cacher, même aux masses américaines incultes, que le système américain est fragile et qu'il risque d'éclater à tout moment. N'oublions jamais la fin soudaine du système soviétique qu'on croyait invincible. Le capitalisme sauvage et la pauvreté grandissante en Amérique ne vont pas de pair avec le prêchi-prêcha sur les droits de l'homme et les matins qui chantent.

Il se dégage de l'ensemble de votre ouvrage, dont le titre pourrait être traduit L'homo americanus, ce rejeton de l'ère postmoderne, que les phénomènes que vous décrivez conduisent à produire en masse un type d'humanité dégradé, sans repères, sans racines, sans idéal. Dans la mesure où ce diagnostic est fondé (même s'il ne concerne pas également la totalité des Américains), n'est-ce pas la preuve de l'échec, non seulement du projet de régénération qui était à l'origine des Etats-Unis, mais de l'humanisme tout entier, tel qu'il a été affirmé au début de la période moderne?

Soyons honnêtes. Nous sommes tous plus ou moins des homini americani. L'américanisme, à l'instar du communisme, est parfaitement compatible avec l'état de nature cher aux plus bas instincts de tout homme. Mais donner dans un anti-américanisme primaire, comme celui que revendique l'extrême droite européenne et surtout française, ne repose pas sur une bonne analyse du système américain. En Amérique, surtout chez les Sudistes, il y a des couches populaires, quoique très rares, qui préservent le concept d'honneur largement perdu en Europe.

On a tort de nourrir des fantasmes au sujet des prétendues visées impérialistes des Américains sur l'Europe et l'Eurasie, comme c'est le cas chez de nombreux droitiers européens victimes de leur propre manie du complot. À part son délire biblique et son surmoi eschatologique incarné dans l'État d'Israël - qui représentent tous deux un danger pour la paix mondiale - l'engagement américain en Europe et ailleurs n'est que le résultat du vide géopolitique causé par les incessantes guerres civiles européennes. Il est fort possible que la guerre balkanique ait eu un bel avenir sanguinaire sans l'intervention militaire des Américains. Qu'ont-ils donc à offrir, les fameux communautarismes européens, hormis les fantasmes sur un empire européen et euroasiatique ? Au moins, les Américains de souche européenne ont réussi à se débarrasser des querelles de chapelles identitaires qui font toujours le bagage des peuples européens.

Le sens prométhéen, l'esprit d'entreprise et le goût du risque sont toujours plus forts en Amérique qu'en Europe. L'Amérique pourrait offrir, dans un proche avenir, encore de belles surprises à la civilisation européenne.

Entretien recueilli par Bernard Dumont

La grande peur en Europe orientale Ecrits de Paris (Février, 2003) Nr. 651 par

Le proverbe croate qui affirme que "l'aube de l’un apporte toujours le crépuscule à l'autre", demeure actuel, surtout à l'occassion des anniversaires historiques et des commémorations politiques. Le chiffre "7" de l'Ancien Testement possède une valeur symoblique, tandis que le nombre "13" inspire angoisse, même aux incroyants. La grande fête millénaire de l'an 2000, commença différemment pour les protestants et les catholiques, différemment pour les chrétiens ortodhoxes, alors que les musulmans semblent être toujours coincés au XVème siècle et mesurent leur temps d'après l'Hégire.

Face au nouveau millénaire, certains membres de sectes bizarres qui pollulent dorénevant à l’avant-scène de l’Europe orientele rêvent également de tout un outillage astrologique et météorologique pour prédire de nouvelles catastrophes politiques. Avides de deviner l'avenir, tels les adeptes de l'équivoque "New Age" ils inspectent même les entrailles des oies sauvages, à l'instar des anciens augures de Rome. Inutile de dire que aucun journal sérieux en Europe de l’Est ne peut se priver du luxe d'inclure dans ses pages des horoscopes pleins de phantasmes sexuels, débordant de fantaisies sur les lendemains qui chantent. La mentalité millénariste se propage rapidement en Europe post-communiste. D’autant plus qu’elle a vu défiler au cours de ces dix dernières années une cohorte de politiciens éphémères dont les pronostics sur la théologie du libre marché se sont révélés désastreux. D'ailleurs, quel "expert" onusien, quel augure bruxellois aurait-il pu prédire la chute du Mur de Berlin et la désintégration du communisme ? De tous les adventistes politiques, il ne reste plus grand chose en Europe de l'Est, hormis quelques témoins de Jéhovah venus de l’Occident et qui prêchent la fin du monde.

A la veille de l'anno domini 1000, les Européens étaient convaincus que le Jugement dernier s'approchait à toute vitesse et que le Royaume de Dieu n'allait plus tarder à s'ouvrir aux élus du monde. Le paradis divin ne s'étant pas matérialisé, beaucoup d’entre eux, pleins d'enthousisme religieux, décidèrent, suite aux appels du Pape Urbain II, de partir en croisade vers la Terre Sainte de Palestine. Tout au long de leur chemin, les pèlerins et les croisés, ne s'en prirent pas seulement aux inifidèles musulmans, ils déversèrent également leur colère sur les chrétiens orthodoxes de Constantinople, et, au passage, sur le ville catholique croate de Zadar. Mille ans plus tard, les nouveux élus sont les Américains qui se croient appelés à mener la guerre perpétuelle pour établir la démocratie universelle. Affamés de rapides rédemptions économiques, leurs serviteurs de l’Europe orientale acceptent sans broncher tout oukase venu d’outre-Atlantique.

L’Europe orientale subit deux maux : d’une part le tragique héritage du mental communiste, d’autre part la grotesque imitation de la sphère occidentale. Quoique l'argent soit devenu tout puissant, le fait d'etre vu « en democrate » sur tous les écrans de télévison renforce la carrière politique. Donc, point de différence entre l’Occident et l’Europe de l’Est. La seule divergence consiste dans le fait que les Européens de l’Est absorbent essentiellement le pire de l’Occident : décadence et anomie.

Il y longtemps, Machiavel remarquait que le prince préfère perdre sa vie que sa résidence secondaire. Or pour un politicien de l’Est converti du communisme au libéralisme, tomber en disgrâce médiatique provoque une douleur autrement plus vive.

Parfois la guerre possède une valeur pédagogique et éducative. On l’occurence ce fut le cas dans les Balkans. Si derrière les cris de guerre, on rencontre un but précis, un idéal fanatique, théologique ou idéologique, alors tout sacrifice humain paraît supportable, disait Emile Cioran. En 1991 tous les Croates aimaient la Croatie indépendante : aujourd’hui ils en sont excédés et ne savent plus quoi faire avec. En 1941 Staline eut recours au nationalisme panslave pour écarter de Russie la menace allemande. Pendant la guerre récente les Croates agissaient à l’unisson ; à l'heure actuelle, ils s'effritent en douzaines de sectes morbides se battant l’une contre l’autre par manque de vision politique et servile imitation de la langue de bois occidentaliste. Dans les Balkans, on ne peut pas envisager de carrière politique, sans etre prêt, au préalable, à éliminer ses anciens compagnons de route.

Certes, le style a changé mais le fond reste le même. Au milieu du XIVème siecle l'Europe était frappée par la pesta bubonica - qui dévora presque une moitié de sa population et fut vite interprétée comme un signe supplémentaire de la colère divine. Durant la Guerre de Trente Ans, plus de cinq millions d'Allemands trouvèrent la mort, mais en dépit de pronostics apocalyptiques, le Traité de Westphalie, en 1648, apporta un semblent de paix et de stabilité. A la veille de leur campagne militaire contre l'Europe centrale, en 1683, les Turcs chantaient des chansons orientales, accompagnés par les derviches tourneurs. Non seulement ils rêvaient aux splendeurs du riche Occident, mais se croyaient appelés à amener les hors-la-loi catholiques dans les rangs de la confession abrahamique. Suite à leur désastre devant les murs viennois, tous les clochers de toutes les églises d'Europe se mirent à sonner. La même chose s'était déjà produite beaucoup plus tôt, en 1492, lorsque Isabelle Ière, avait chassé Juifs, Maures et Mozabites de l'autre extrémité de l'Europe. Le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres...

Le laps de temps, le cadre de la durée historique, la localisation géographique conduisent les peuples à concevoire différemment la justice et le crime, le bien et le mal. Pour les citoyens de Budapest les mois de novembre et de décembre 1944 furent la répétition de Stalingrad quoique en direction inverse et selon l’itinéraire communiste. Durant la terreur soviétique, plus de 150 000 Hongrois et Alemands trouvèrent la mort. Plus loin, au Nord-Ouest, les Allemands connurent en 1945 une forme tardive de walhalla, tandis que les vainqueurs inauguraient Le Nouvel Age planétaire par des effusions holywoodiennes et force goulags supplémentaires. Reste l'étérnelle question : que se serait-il passé si l'autre parti l'avait emporté ? Le problème est un peu le même aujourd’hui avec l'héritage des Lumières et son dernier avatar, le libéralisme qui semble être également obsédé par l'histoire linéaire et les avenirs qui chantent. A l’instar du communisme, le libéralisme affirme lui aussi que le passé doit être enterré pour de bon. En réalité, comme le siècle précédent en a témoigné, les fantaisies millénaristes ont toujours des résultats opposés. Et qui aurait pu prédire que l'expérience communiste laisserait un ossuaire de plus de cent millions de cadavres ?

Certes, les ex-communistes en Europe orientale possèdent une incroyable plasticité pour tous les recyclages, globalistes, ou néo-libéraux. Si les citoyens de l'Europe de l'Est, avaient su ce que l'avenir post-communiste et néo-capitaliste leur apporterait, ils se seraient vraisemblablement comportés différemment lors des premières élections parlementaires, au début des années 1990. Tout parti d'oppostion aime bien faire de grandes promesses - une fois au pouvoir il doit changer sa partition.

Face à la marée de la nouvelle partitocratie occidentalophile, l'Europe de l'Est ressemble au légendarie âne de Buridan. L'âne crève de faim et de soif, parce qu'il est incapable de décider s'il faut d'abord aller à la meule de foin, où bien au ruisseau voisin pour se désaltérer. Les grandes attentes politiques de l’Europe orientale relèvent du mental utopiste, donc totalitaire.

Mais la dure réalité perdure, et plus les choses changent, plus elles empirent.

TOMISLAV SUNIC
(écrivain croate)

Le langage « politiquement correct » Genèse d'un emprisonnement Catholica (Été 2006) Nr. 92

Nous avons rencontré lors de son dernier séjour en France M. Tomislav Sunic, diplomate croate mais aussi écrivain, traducteur et ancien professeur de sciences politiques aux Etats-Unis. Fortement impressionné par le fait que la liberté d'expression se trouve paradoxalement plus grande dans les pays anciennement sous domination soviétique qu'à l'Ouest du continent, il nous a proposé le texte qui suit, qui met l'accent sur une des données généralement sous-estimée du conformisme régnant, à côté de l'héritage communiste et de la mentalité de « surveillance » héritée des riches heures du jacobinisme. Ce texte a été rédigé par l'auteur directement en français.


Par «politiquement correct » on entend l'euphémisme actuellement le plus passe-partout derrière lequel se cache la censure et l'autocensure intellectuelle. Si le vocable lui-même n'émerge que dans l'Amérique des années 1980, les racines moralisatrices de ce phénomène à la fois linguistique et politique sont à situer dans la Nouvelle Angleterre puritaine du XVIIe siècle. Cette expression polysémique constitue donc la version moderne du langage puritain, avec son enrobage vétérotestamentaire. Bien qu'elle ne figure pas dans le langage juridique des pays occidentaux, sa portée réelle dans le monde politique et médiatique actuel est considérable. De prime abord, l'étymologie des termes qui la forment ne suggère nullement la menace d'une répression judicaire oud les ennuis académiques. L'expression est plutôt censée porter sur le respect de certains lieux communs postmodernes tels que le multiculturalisme ou une certaine historiographie, considérés comme impératifs dans la communication intellectuelle d'aujourd'hui. En règle générale, et dans la langue française, prononcer l'expression "politiquement correct" déclenche souvent le processus d'association cognitive et fait penser aux expressions tels que "la police de la pensée," "la langue de bois" et "la pensée unique". Or si ces dernières notions ont ailleurs qu'en France, en Europe comme en Amérique, des équivalents, ceux- ci n'y possèdent pas sur le plan lexical la même porte émotive. Ainsi par exemple, lorsque les Allemands veulent designer le langage communiste, ils parlent de "Betonsprache" ("langue de béton"), mais la connotation censoriale de la locution française "langue de bois" n'y est pas rendue. Quant à la "pensée unique," elle reste sans équivalant hors du français, étant intraduisible en anglais ou en allemand ; seule le vocable slave "jednoumlje" - terme en vogue chez les journalistes et écrivains russes, croates ou chèques - possède la même signification.1

En comparaison de l'Europe, les Etats-Unis, bien qu'étant un pays fort sécularisé, restent néanmoins très marqués par de « grands récits » moralistes issus de la Bible ; aucun autre pays sur terre n'a connu un tel degré d'hypermoralisme parabiblique, dans lequel Arnold Gehlen voit « une nouvelle religion humanitaire ».2 Cependant après la deuxième guerre mondiale, le langage puritain a subi une mutation profonde au contact du langage marxiste en usage en Europe, véhiculé par les intellectuels de l'Ecole de Francfort, ou inspirés par eux, réfugiés aux Etats-Unis et plus tard installés dans les grandes écoles et universités occidentales. Ce sont eux qui après la guerre ont commencé à agir dans les médias et dans l'éducation en Europe, et qui ont joué un rôle décisif dans l'établissement de la pensée unique. C'est donc de la conjonction entre l'hypermoralisme américain et les idées freudo-marxistes issues de ce milieu qu'est né le phénomène actuel du politiquement correct.

On sait que les Etats-Unis n'ont jamais eu comme seule raison la conquête militaire, mais ont cultivé le désir d'apporter aux mal-pensants, qu'ils fussent indiens, nazis, communistes, et aujourd'hui islamistes, l'heureux message du démocratisme à la mode américaine, même avec l'accompagnement du bombardement massif des populations civiles. Cet objectif s'est largement réalisé vers la fin de la deuxième guerre mondiale, quand l'Amérique, comme principale grande puissance, s'installa dans son rôle de rééducatrice de la vieille Europe. Et dans les années ultérieures, le lexique américain, dans sa version soft et libéralo-puritaine, jouera même un rôle beaucoup plus fort par le biais des médias occidentaux que la langue de bois utilisée par les communistes est-européens et leurs sympathisants. Au vingtième siècle cependant, l'héritage calviniste a perdu son contenu théologique pour se transformer en un moralisme pur et dur prônant l'évangile libéral des droits de l'homme et le multiculturalisme universel.

Dès la fin des hostilités, un grand nombre d'agents engagés par le gouvernement du président Harry Truman furent donc envoyés en Europe afin de rectifier les esprits, et notamment les tendances autoritaires supposées inhérentes au modèle familial européen. Parmi ces pédagogues figuraient un certain nombre d'intellectuels américains issus de la WASP et imprégnés d'esprit prédicateur, mais aussi des éléments de tendance marxiste dont les activités s'inscrivaient dans le sillage de l'Ecole de Francfort. Pour les uns et les autres, guérir les Allemands, et par extension tous les Européens, de leurs maux totalitaires fut le but principal.3 Tous se croyaient choisis par la providence divine - ou le déterminisme historique marxiste - pour apporter la bonne nouvelle démocratique à une Europe considérée comme une région à demi-sauvage semblable au Wilderness de l'Ouest américain du passé. Le rôle le plus important fut néanmoins joué par l'Ecole de Francfort, dont les deux chefs de file, Theodor Adorno et Max Horkheimer, avaient déjà jeté les bases d'une nouvelle notion de la décence politique. Dans un ouvrage important qu'il dirigea,4 Adorno donnait la typologie des différents caractères autoritaires, et introduisait les nouveaux concepts du langage politique. Il s'attaquait surtout aux faux démocrates et « pseudo conservateurs » et dénonçait leur tendance à cacher leur antisémitisme derrière les paroles démocratiques.5 D'après les rééducateurs américains, « la petite bourgeoisie allemande avait toujours montré son caractère sadomasochiste, marqué par la vénération de l'homme fort, la haine contre le faible, l'étroitesse de cÅ“ur, la mesquinerie, une parcimonie frisant l'avarice (dans les sentiments aussi bien que dans les affaires d'argent) ».6 Dans les décennies qui suivirent, le seul fait d'exprimer un certain scepticisme envers la démocratie parlementaire pourra être assimilé au néonazisme et faire perdre ainsi le droit à la liberté de parole.

Lorsque le gouvernement militaire américain mit en Å“uvre la dénazification,7 il employa une méthode policière de ce genre dans le domaine des lettres et de l'éducation allemande. Mais cette démarche de la part de ses nouveaux pédagogues n'a fait que contribuer à la montée rapide de l'hégémonie culturelle de la gauche marxiste en Europe. Des milliers de livres furent écartés des bibliothèques allemandes ; des milliers d'objets d'art jugés dangereux, s'ils n'avaient pas été détruits au préalable au cours des bombardements alliés, furent envoyés aux Etats-Unis et en Union soviétique. Les principes démocratiques de la liberté de parole ne furent guère appliqués aux Allemands puisqu'ils étaient en somme stigmatisés comme ennemis de classe de la démocratie. Particulièrement dur fut le traitement réservé aux professeurs et aux académiciens. Puisque l'Allemagne national-socialiste avait joui du soutien (bien que souvent momentané) de ces derniers, les autorités américaines de rééducation à peine installées se mirent à sonder les auteurs, les enseignants, les journalistes et les cinéastes afin de connaître leurs orientations politiques. Elles étaient persuadées que les universités et autres lieux de hautes études pourraient toujours se transformer en centres de révoltes. Pour elles, la principale tare des universités pendant le IIIe Reich avait été une spécialisation excessive, creusant un gouffre entre les étudiants comme élite, et le reste de la société allemande. L'éducation universitaire aurait donc transmis la compétence technique tout en négligeant la responsabilité sociale de l'élite vis-à-vis de la société.8 Les autorités américaines firent alors remplir aux intellectuels allemands des questionnaires restés fameux, qui consistaient en des feuilles de papiers contenant plus de cent demandes visant tous les aspects de la vie privée et sondant les tendances autoritaires des suspects. Les questions contenaient souvent des erreurs et leur message ultramoraliste était souvent difficile à comprendre pour des Allemands.9 Peu à peu les mots « nazisme » et « fascisme », subissant un glissement sémantique, se sont métamorphosés en simples synonymes du mal et ont été utilisés à tort et à travers. La « reductio ad hitlerum » est alors devenue un paradigme des sciences sociales et de l'éducation des masses. Tout intellectuel osant s'écarter du conformisme en quelque domaine que ce fût risquait de voir ses chances de promotion étouffées.

C'est donc dans ces conditions que les procédures de l'engineering social et l'apprentissage de l'autocensure sont peu à peu devenues la règle générale dans l'intelligentsia européenne. Bien que le fascisme, au début du troisième millénaire, ne représente plus aucune menace pour les démocraties occidentales, tout examen critique, aussi modeste soit-il, de la vulgate égalitaire, du multiculturalisme et de l'historiographie dominante risque d'être pointé comme « fasciste » ou « xénophobe ». Plus que jamais la diabolisation de l'adversaire intellectuel est la pratique courante du monde des lettres et des médias.

L'Allemagne forme certes un cas à part, dans la mesure où sa perception des Etats-Unis dépend toujours de celle que les Allemands sont obligés d'avoir d'eux-mêmes, comme des enfants auto-flagellants toujours à l'écoute de leurs maîtres d'outre-Atlantique. Jour après jour l'Allemagne doit faire la preuve au monde entier qu'elle accomplit sa tâche démocratique mieux que son précepteur américain. Elle est tenue d'être le disciple servile du maître, étant donné que la « transformation de l'esprit allemand (fut) la tâche principale du régime militaire ».10 Voilà pourquoi, si l'on veut étudier la généalogie du politiquement correct tel que nous le connaissons, on ne peut pas éviter d'étudier le cas de l'Allemagne traumatisée. Et cela d'autant plus qu'en raison de son passé qui ne passe pas, l'Allemagne applique rigoureusement ses lois contre les intellectuels mal-pensants. En outre, l'Allemagne exige de ses fonctionnaires, conformément à l'article 33, paragraphe 5 de sa Loi fondamentale, l'obéissance à la constitution, et non leur loyauté envers le peuple dont ils sont issus.11 Quant aux services de défense de la Constitution (Verfassungschutz), dont la tâche est la surveillance du respect de la Loi fondamentale, ils incluent dans leur mission de veiller à la pureté du langage politiquement correct : « Les agences pour la protection de la constitution sont au fond des services secrets internes dont le nombre s'élève à dix-sept (une au niveau de la fédération et seize autres pour chaque Land fédéral constitutif) et qui sont qualifiées pour détecter l'ennemi intérieur de l'Etat ».12 Puisque toutes les formes d'attachement à la nation sont mal vues en Allemagne en raison de leur caractère jugé potentiellement non-démocratique et néonazi, le seul patriotisme permis aux Allemands est le « patriotisme constitutionnel ».

La nouvelle religion du politiquement correct est peu à peu devenue obligatoire dans toute l'Union européenne, et elle sous-entend la croyance dans l'Etat de droit et dans la « société ouverte ». Sous couvert de tolérance et de respect de la société civile, on pourrait imaginer qu'un jour un individu soit déclaré hérétique du fait, par exemple, d'exprimer des doutes sur la démocratie parlementaire. De plus, en raison de l'afflux des masses d'immigrés non-européens, la loi constitutionnelle est également sujette à des changements sémantiques. Le constitutionnalisme allemand est devenu « une religion civile » dans laquelle « le multiculturalisme est en train de remplacer le peuple allemand par le pays imaginaire de la Loi fondamentale ».13 Par le biais de cette nouvelle religion civique l'Allemagne, comme d'autres pays européens, s'est maintenant transformée en une théocratie séculière.


Sans cette brève excursion dans le climat du combat intellectuel d'après-guerre il est impossible de comprendre la signification actuelle du politiquement correct. La récente promulgation de la nouvelle législation européenne instituant un « crime de haine » est ainsi appelée à se substituer aux législations nationales pour devenir automatiquement la loi unique de tous les Etats de l'Union européenne. Rétrospectivement, cette loi supranationale pourrait être inspirée du code criminel de la défunte Union soviétique ou de celui l'ex-Yougoslavie communiste. Ainsi, le Code criminel yougoslave de 1974 comportait une disposition, dans son article 133, portant sur « la propagande hostile ». Exprimée en typique langue de bois, une telle abstraction sémantique pouvait s'appliquer à tout dissident - qu'il se soit livré à des actes de violence physique contre l'Etat communiste ou qu'il ait simplement proféré une plaisanterie contre le système. D'après le même code, un citoyen croate, par exemple, se déclarant tel en public au lieu de se dire yougoslave pouvait se voir inculper d'« incitation à la haine interethnique », ou bien comme « personne tenant des propos oustachis », ce qui était passible de quatre ans de prison.14 Il faudra attendre 1990 pour que cette loi soit abrogée en Croatie.

A l'heure actuelle le Royaume-Uni témoigne du degré le plus élevé de liberté d'expression en Europe, l'Allemagne du plus bas. Le Parlement britannique a rejeté à plusieurs reprises la proposition de loi sur « le crime de haine », suggérée par divers groupes de pression - ce qui n'empêche pas les juges britanniques d'hésiter à prononcer de lourdes peines contre les résidents d'origine non-européenne par crainte d'être accusés eux-mêmes de cultiver un « préjugé racial ». Ainsi, indépendamment de l'absence de censure légale en Grande-Bretagne, un certain degré d'autocensure existe déjà. Depuis 1994, l'Allemagne, le Canada et l'Australie ont renforcé leur législation contre les mal-pensants. En Allemagne, un néologisme bizarre (Volkshetze : « incitation aux ressentiments populaires »), relevant de l'article 130 du Code pénal, permet d'incriminer tout intellectuel ou journaliste s'écartant de la vulgate officielle. Vu le caractère général de ces dispositions, il devient facile de mettre n'importe quel journaliste ou écrivain en mauvaise posture, d'autant plus qu'en Allemagne il existe une longue tradition légale tendanciellement liberticide d'après laquelle tout ce qui n'est pas explicitement permis est interdit. Quant à la France, elle comporte un arsenal légal analogue, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi Fabius-Gayssot adoptée le 14 juillet 1990 - sur proposition d'un député communiste, mais renforcée à l'initiative du député de droite Pierre Lellouche en décembre 2002. Cette situation se généralise dans l'Union européenne,15 en comparaison de quoi, paradoxalement, les pays postcommunistes connaissent encore un plus grand degré de liberté d'expression, même si en raison de la pression croissante de Bruxelles et de Washington cela est en train de changer.

En Europe communiste, la censure de la pensée avait un gros avantage. La répression intellectuelle y était tellement vulgaire que sa violente transparence donnait à ses victimes l'aura des martyrs. La fameuse langue de bois utilisée par les communiste débordait d'adjectifs haineux au point que tout citoyen pouvait vite se rendre compte da la nature mensongère du communisme. En outre, comme la Guerre froide, vers la fin des années 1940, avait commencé à envenimer les rapports entre l'Est communiste et l'Ouest capitaliste, les élites occidentales se crurent moralement obligées de venir en aide aux dissidents est-européens, et cela moins en raison de leurs vues anticommunistes que pour prouver que le système libéral était plus tolérant que le communisme. Nul n'en sut profiter mieux que les architectes libéraux du langage politiquement correct. En cachant leurs paroles démagogiques derrière les vocables de « démocratie », « tolérance » et « droits de l'homme » ils ont réussi à neutraliser sans aucune trace de sang tout opposant sérieux. Le langage médiatique a été également sujet à des règles hygiéniques imposées par les nouveaux princes de vertus. L'emploi châtré des structures verbales qui se sont propagés à travers toute l'Europe reflète des avatars puritains sécularisés si typiques autrefois des autorités militaires américaines dans l'Allemagne d'après-guerre. De nouveaux signifiants se font incessamment jour pour permettre à la classe dirigeante, ayant peur pour ses sinécures, de cacher ainsi ses propres signifiés privés. A-t-on jamais tant parlé en Amérique et en Europe de tolérance, a-t-on jamais tant prêché la convivialité raciale et l'égalitarisme de tous bords alors que le système entier déborde de toutes formes de violences souterraines et de haines mutuelles? L'idéologie antifasciste doit rester un argument de légitimité pour tout l'Occident. Elle présuppose que même s'il n'y a plus aucun danger fasciste, son simulacre doit toujours être maintenu et brandi devant les masses.

Partout en Europe, depuis la fin de la Guerre froide, l'arène sociale doit fonctionner comme un prolongement du marché libre. L'efficacité économique est vue comme critère unique d'interaction sociale. Par conséquent, les individus qui se montrent critiques au sujet des mythes fondateurs du marché libre ou de l'historiographie officielle sont automatiquement perçus comme ennemis du système. Et à l'instar du communisme, la vérité politique en Occident risque d'être davantage établie par le code pénal que par la discussion académique. De plus, aux yeux de nouveaux inquisiteurs, l'hérétique intellectuel doit être surveillé - non seulement sur la base de ce qu'il dit ou écrit, mais sur celle des personnes qu'il rencontre. La « culpabilité par association » entrave gravement toute carrière, et ruine souvent la vie du diplomate ou du politicien. N'importe quelle idée qui vise à examiner d'une manière critique les bases de l'égalitarisme, de la démocratie et du multiculturalisme, devient suspecte. Même les formes les plus douces de conservatisme sont graduellement poussées dans la catégorie « de l'extrémisme de droite ». Et ce qualificatif est assez fort pour fermer la bouche même aux intellectuels qui font partie du système et qui ont eux-mêmes participé dans la passé à la police de la pensée. « Il y a une forme de political correctness typiquement européenne qui consiste à voir des fascistes partout » écrit ainsi Alain Finkielkraut.16 Le spectre d'un scénario catastrophique doit faire taire toutes les voix divergentes. Si le « fascisme » est décrété légalement comme le mal absolu, toutes les aberrations du libéralisme sont automatiquement regardées comme un moindre mal. Le système libéral moderne de provenance américaine est censé fonctionner à perpétuité, comme une perpetuum mobile.17

L'Occident dans son ensemble, et paradoxalement l'Amérique elle-même, sont devenus des victimes de leur culpabilité collective, qui a comme origine non tant le terrorisme intellectuel que l'autocensure individuelle. Les anciens sympathisants communistes et les intellectuels marxistes continuent à exercer l'hégémonie culturelle dans les réseaux de fabrication de l'opinion publique. Certes, ils ont abandonné l'essentiel de la scolastique freudo–marxiste, mais le multiculturalisme et le globalisme servent maintenant d'ersatz à leurs idées d'antan. La seule différence avec la veille est que le système libéralo-américain est beaucoup plus opérationnel puisqu'il ne détruit pas le corps, mais capture l'âme et cela d'une façon beaucoup plus efficace que le communisme. Tandis que le citoyen américain ou européen moyen doit supporter quotidiennement un déluge de slogans sur l'antiracisme et le multiculturalisme, qui ont acquis des proportions quasi-religieuses en Europe, les anciens intellectuels de tendance philo-communiste jadis adonnés au maoïsme, trotskisme, titisme, restent toujours bien ancrés dans les médias, l'éducation et la politique. L'Amérique et l'Europe s'y distinguent à peine. Elles fonctionnent d'une manière symbiotique et mimétique, chacune essayant de montrer à l'autre qu'elle n'accuse aucun retard dans la mise en place de la rhétorique et de la praxis politiquement correctes. Autre ironie de l'histoire : pendant que l'Europe et l'Amérique s'éloignent chronologiquement de l'époque du fascisme et du national-socialisme, leur discours public évolue de plus en plus vers une thématique antifasciste.

Contrairement à la croyance répandue, le politiquement correct, en tant que base idéologique d'une terreur d'Etat, n'est pas seulement une arme aux mains d'une poignée de gangsters, comme nous l'avons vu en ex-Union Soviétique. La peur civile, la paresse intellectuelle créent un climat idéal pour la perte de liberté. Sous l'influence conjuguée du puritanisme américain et du multiculturalisme de tendance postmarxiste européen, le politiquement correct est devenu une croyance universelle. L'apathie sociale croissante et l'autocensure galopante ne nous annoncent pas de nouveaux lendemains qui chantent.

TOMISLAV SUNIC

Catholica


  1. Force est de constater que les Européens de l'Est semblent avoir fort bien appris à désigner les pièges de l'homo sovieticus. Voir James Gregor, Metascience and Politics: An Inquiry into the Conceptual Language of Political Science (New Brunswick: Transaction Publishers, 2004), pp. 282- 292, où se trouvent décrites les "locutions normatives" du langage proto-totalitaire 

  2. Arnold Gehlen, Moral und Hypermoral (Vittorio Klostermann GmbH, Francfort 2004, p. 78). 

  3. Cf. Paul Gottfried, The Strange Death of Marxism, University of Missouri Press, Columbia-Londres, 2005, p. 108. Voir également Frances Stonor Saunders, Qui mène la danse? La CIA et la guerre froide culturelle, Denoël 2003. 

  4. Theodor Adorno (with Else Frenkel-Brunswick, Daniel J. Levinson, R. N. Sanford), The Authoritarian Personality (Harper and Brothers, New York 1950, pp. 780-820). 

  5. Le langage déconstructiviste promu par l'École de Francfort a récemment été critiqué par Kevin McDonald qui observe dans les analyses d'Adorno une diffamation de la culture européenne, tout « ethnocentrisme européen étant interprété comme un signe de pathologie ». Kevin MacDonald, The Culture of Critique: An Evolutionary Analysis of Jewish Involvement in Twentieth Century Intellectual and Political Movement (Praeger Publications, Westport CT, 1998, repris par Authorhouse, Bloomington 2002, p. 193). 

  6. Caspar Schrenck-Notzing, Characterwäsche (Seewald Verlag, Stuttgart 1965, p. 120). 

  7. La dénazification (Entnazifizierung) avait été expressément décidée lors de la conférence de Yalta (février 1945). Elle fut menée selon un critère de classe en zone soviétique, rapidement confiée aux soins de juges allemands en zones française et britannique, mais directement exercée par des agents américains dans la zone relevant de leur responsabilité, de manière tellement étendue qu'elle finit par s'étouffer elle-même. 

  8. Manfred Heinemann, Ulrich Schneider, Hochschuloffiziere und Wiederaufbau des Hochschulwesens in Westdeutschland,1945 – 1952 (Bildung und Wissenschaft, Bonn 1990), pp. 2-3 and passim. Voir Die Entnazifizierung in Baden 1945-1949 (W. Kohlhammer Verlag, Stuttgart 1991) concernant les épurations des enseignants allemands par les autorités françaises dans la région allemande de Baden. Entre 35 % et 50 % des enseignants dans la partie de l'Allemagne contrôlée par les Américains ont été suspendus d'enseignement. Le pourcentage des enseignants épurés par les autorités françaises s'élevait à 12-15 %. Voir Hermann–Josef Rupieper, Die Wurzeln der westdeutschen Nachkriegesdemokratie (Westdeutscher Verlag, 1992), p. 137. 

  9. Le romancier et ancien militant national-révolutionnaire Ernst von Salomon décrit cela dans son roman satirique Der Fragebogen, et montre comment les « nouveaux pédagogues » américains arrachaient parfois des confessions à leurs prisonniers avant de les bannir ou même de les expédier à l'échafaud. 

  10. Caspar Schrenck-Notzing, op. cit., p 140. 

  11. Cf. Josef Schüsslburner, Demokratie-Sonderweg Bundesrepublik, Lindenblatt Media Verlag, Künzell, 2004, p. 631. 

  12. Ibid., p. 233. 

  13. Ibid., p. 591. 

  14. Tomislav Sunic, Titoism and Dissidence, Peter Lang, Francfort, New York, 1995. 

  15. Ainsi, sur proposition initiale du conseiller spécial du gouvernement britannique Omar Faruk, l'Union européenne s'apprête-t-elle à éditer un lexique politiquement correct destiné aux dirigeants officiels européens impliquant de distinguer soigneusement entre islam et islamisme, et de ne jamais parler, par exemple, de « terrorisme islamique » (source). 

  16. Alain Finkielkraut, « Résister au discours de la dénonciation » dans Journal du Sida, avril 1995. Voir « What sort of Frenchmen are they? », entrevue avec Alain Finkielkraut in Haaretz, le 18 novembre 2005. A. Finkielkraut fut interpellé suite à cet entretien par le MRAP, le 24 novembre, pour ses propos prétendument anti-arabes. Le 25 dans Le Monde, il présente ses excuses pour les propos en question. 

  17. Alain de Benoist, Schöne vernetzte Welt, « Die Methoden der Neuen Inquisition » (Hohenrain Verlag, Tübingen 2001, pp. 190-205). 

L'Histoire victimaire comme identité négative Terre et Peuple (hiver 2007) Nr. 34

(Cet article est tiré du discours prononcé par T. Sunic à la XIIe Table ronde de Terre et Peuple, Paris - Versailles, le 21 octobre 2007)

http://www.terreetpeuple.com/

Tomislav Sunic

Dans le monde du simulacre la réalité doit être plus réelle que la réalité. Le discours historique doit également être plus historique que l'histoire elle-même. Afin de rendre leur discours plus crédible les historiens recourent aux paraphrases pleines d'adjectifs surréels et aux chiffres hyperboliques. C'est surtout le cas avec le récit victimaire des peuples lointains et des tribus modernes dans les pays multiculturels. Tout le monde cherche son identité en se projetant à grands pas dans son histoire, voire même sa préhistoire. Ce n'est pas un hasard si, au moment de la perte de leur identité, les Européens s'efforcent de faire des gestes commémoratifs pour les non Européens. On érige des monuments pour les victimes dont on n'a jamais parlé avant, on construit des maisons avec de belles plaques dorées pour marquer l'endroit de la culpabilité européenne. Les jours fériés ou, le cas échéant, les journées commémoratives, s'accumulent de plus en plus.

La mémoire des Européens est de plus en plus contrainte de se déplacer vers les antipodes exotiques afin de rendre hommage aux peuples dont l'identité n'a rien à voir avec celle des Européens. Les peuples européens sont forcés d'entrer dans la phase post-historique de la commémoration globale. D'une part, les medias et les faiseurs d'opinion nous assurent que l'Histoire touche à sa fin. D'autre part, nous sommes témoins d'une revendication grandissante des peuples non européens pour leur histoire victimaire. Tout se passe comme si, pour avoir son identité, on doit faire renaître ses morts. Et comme d'habitude, toute victimologie de l'extérieur cherche son coupable à l'intérieur, à savoir le recueillement obligatoire des Européens devant le Tiers Monde et l'apprentissage de la culture du remords. L'ancien sens du tragique, qui fut jusqu'à une époque récente, le pilier fondamental de l'identité européenne cède sa place aux jérémiades par procuration pour les victimes asiatiques et africaines. On dirait que la culture de la mort fut remplacée par la culture de la nécrophilie. Quelle horreur de ne pouvoir faire étalage des morts et des victimes des autres! La victimologie est devenue une branche importante dans l'étude de l'hagiographie postmoderne.

Nous devons, pourtant, faire une nette distinction entre la culture de la mort et l'esprit victimaire, comme Pierre Vial l'a noté dans son livre La Mort , il y vingt ans. L'esprit victimaire a complètement évacué le sens de la mort précisément parce il traduit les victimes en chiffres mathématiques qui n'ont aucune valeur transcendantale.

D'où vient cet appétit pour les morts - souvent pour les morts des autres? Dans le hit-parade des victimologies diverses ou, comme on dit, dans la "bataille des mémoires", les victimes ne peuvent pas être égales. Les unes doivent l'emporter sur les autres. Or, comment faire une hiérarchisation des morts? Vu l'ambiance victimaire qui règne aujourd'hui en Occident multiculturel, chaque peuple, chaque communauté est portée à croire que sa victimologie est unique. Voilà le problème troublant, vu le fait que la victimologie des uns va fatalement à l'encontre de celle des autres.

L'idéologie des droits d'homme: une idéologie discriminatrice

L'esprit victimaire découle directement de l'idéologie des droits de l'homme. Les droits de l'homme et son pendant, le multiculturalisme, sont les principaux facteurs qui expliquent la résurgence de l'esprit victimaire. Quand tous les hommes sont déclarés égaux chacun a droit à sa victimologie. Par sa nature, les pays multiculturels en Occident sont censés accorder à chaque communauté l'étalage de sa victimologie - fait dont on est témoin chaque jour. Chaque groupe ethnique, chaque communauté raciale, voire même chaque groupe infra- politique a besoin de sa martyrologie pour légitimer son identité. Pour l'illustrer, essayons de nous mettre dans la peau d'un Autre qui habite Paris, Londres ou New York; d'un Congolais, d'un Laotien ou autre. Ne se posent-ils pas la question suivante: Pourquoi les autres, a savoir les Juifs, ont-ils droit à leur victimologie bien en vue et bien connue, et pourquoi pas moi, pourquoi pas nous? D'ailleurs c'est au nom de droits de l'homme et par extension la droit a la victimologie que les plus grandes tueries on été commises au cours du 20em siècle. C'est au nom de droits de l'homme qu'on déclare les peuples et les intellectuels mal-aimés en dehors de l'humanité. La retombée logique de cet esprit victimaire est la recherche de son identité par la négation de l'Autre, qui devient du coup l'ennemi principale. Voici le problème grave auquel la société multiculturelle en Occident doit faire face. Comment trouver un discours supra ethnique et consensuel sans exclure une autre communauté ?

Le concours des récits victimaires rend les sociétés multiculturelles extrêmement fragiles. Par essence, tout esprit victimaire est conflictuel et discriminatoire. Le langage victimaire est autrement plus bestiaire que l'ancienne langue de bois communiste. Or il devient la règle générale et globale qui mène fatalement à la guerre civile globale.

Pour mieux comprendre les retombées conflictuelles de cet esprit victimaire, comme signe de l'identité négative, il faut se pencher sur la classe politique yougoslave et ses historiens en ex-Yougoslavie communiste, juste avant l'éclatement du pays. D'ailleurs la Yougoslavie communiste fut un pays du simulacre par excellence; ses peuples avaient simulé pendent cinquante ans l'unité et la fraternité supra -identitaire. Dans le langage plus direct le discours victimaire antifasciste et communiste fut la cause principale du futur conflit serbo-croate. L'image communiste victimaire avait, à la veille du conflit, envahi l'espace publique yougoslave non en raison du manque de réalité communiste mais en raison de son excès. En Yougoslavie communiste les identitaires croates furent dépeints comme des monstres, comme des fascistes et des oustachis éternels. Or, d'après ce langage victimaire communiste, il ne fut guère possible pour un Croate de déclarer son identité sans tomber dans le piège de la diabolisation antifasciste. Le discours victimaire antifasciste fut un beau jouet utilisé par les communistes yougoslaves pour séparer davantage les Serbes des Croates.

Or, la propagande yougo- communiste avait laissé ses effets néfastes. Lors de la proclamation de l'indépendance croate en 1991, le récit révisionniste et anticommuniste utilisé par les nouveaux dirigeants croates, devait fatalement provoquer la victimologie serbe. L'une renforçait l'autre. Pour les Serbes, l'indépendance croate fut une chose inouïe, toutes leurs peurs des Croates génocidaires dont ils furent les victimes médiatiques pendant l'époque yougoslave étaient en train de se confirmer; peur réelle ou peur factice devant la résurgence d'un pays qui leur rappelait la Croatie de 1941 et qui leur avait laissé un mauvais souvenir.

Il faut rappeler qu'en Yougoslavie communiste, les populations croates et serbes avaient vécu dans un simulacre de l'agression mutuelle - qui n'a pas tardé à venir. La peur des pogromes, l'image anticipatrice des massacres n'a que facilité les vrais massacres à venir. Quand la guerre réelle éclata en 1991, tout le monde utilisait le langage victimaire ne serait-ce que pour créer une bonne mise en scène et pour donner la légitimité à sa cause politique - et souvent pour cacher le passé criminel et communiste des principaux acteurs. En toute logique comment pouvait-on être un bon Croate sans être un bon anti-Serbe? D'ailleurs peut-on être aujourd'hui un bon Français sans être anti-Arabe ou anti-musulman?

Le conflit des identités serbes et croates s'est davantage aggravé en vertu du récit victimaire et surréel venu de l'Occident. Les medias et les politiciens occidentaux fabriquaient des événements réels ou factices du conflit serbo-croate, qu'ils rendaient ensuite hyperréels aux yeux de leurs citoyens et plus tard au Tribunal de La Hayes. Tout devait se passer comme si tout était vrai dans les Balkans. Il serait pourtant faux de suggérer que l'image victimaire du conflit balkanique avait été conçue exprès comme une sorte de propagande politique ou qu'elle relevât d'un complot secret de tel ou tel gouvernement occidental. L'hyperréel balkanique fut la suite logique des discours quasi balkaniques des gouvernements occidentaux qui se chamaillaient les uns avec les autres. Il n'était plus question de savoir si la réalité de la tuerie balkanique était vraie ou fausse; ce qui importait pour la classe occidentale fut de sauvegarder le mythe multiculturel yougoslave en misant tour à tour sur les différents protagonistes de la guerre. Ainsi la réalité réelle dans les Balkans fut occultée tour à tour par la victimisation et la criminalisation de tous contre tous.

Les conclusions qu'on peut tirer du langage victimaire son les suivantes

Au lieu de diminuer le conflit, il l'augmente; au lieu de créer le dialogue identitaire, il le détruit; au lieu de respecter les morts, il les chosifie. L'image et le discours dont les différents nationalismes européens se font les uns des autres reposent toujours sur une légitimité négative, voire une identité négative. Ils ne peuvent pas servir la cause européenne. Toute image victimaire des peuples européens suscite toujours des sentiments primaires.

Le malheureux conflit serbo-croate n'est qu'une des retombées du discours antifasciste victimaire qui remonte à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Les causes de ce discours victimaire ne sont jamais débattues ouvertement par les historiens de la cour et les biens pensants actuels. S'ils osent le faire, c'est au risque de tomber sous le coup du code pénal. Voila un phénomène bizarre. D'une part, on est submergé par les discours victimaires anticoloniaux, antifascistes et philosémites; d'autre part, on ne parle jamais des gigantesques crimes commis par les communistes et leurs alliés contre les peuples européens. Qui se souvient encore des victimes du communisme qui n'ont toujours aucun référent victimaire? Si il y a une autre victimologie, qui mérite en Europe son vrai nom et qui est digne de notre recueillement, c'est le tragique sort des millions et des millions d'Allemands durant et après la guerre.