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Blog posts by Tomislav Sunić

Le langage «politiquement correct»: Genèse d'un emprisonnement (Catholica ~ Été 2006, Nr. 92 )

Nous avons rencontré lors de son dernier séjour en France M. Tomislav Sunic, diplomate croate mais aussi écrivain, traducteur et ancien professeur de sciences politiques aux Etats-Unis. Fortement impressionné par le fait que la liberté d'expression se trouve paradoxalement plus grande dans les pays anciennement sous domination soviétique qu'à l'Ouest du continent, il nous a proposé le texte qui suit, qui met l'accent sur une des données généralement sous-estimée du conformisme régnant, à côté de l'héritage communiste et de la mentalité de « surveillance » héritée des riches heures du jacobinisme. Ce texte a été rédigé par l'auteur directement en français. Par «politiquement correct » on entend l'euphémisme actuellement le plus passe-partout derrière lequel se cache la censure et l'autocensure intellectuelle. Si le vocable lui-même n'émerge que dans l'Amérique des années 1980, les racines moralisatrices de ce phénomène à la fois linguistique et politique sont à situer dans la Nouvelle Angleterre puritaine du XVIIe siècle. Cette expression polysémique constitue donc la version moderne du langage puritain, avec son enrobage vétérotestamentaire. Bien qu'elle ne figure pas dans le langage juridique des pays occidentaux, sa portée réelle dans le monde politique et médiatique actuel est considérable. De prime abord, l'étymologie des termes qui la forment ne suggère nullement la menace d'une répression judicaire oud les ennuis académiques. L'expression est plutôt censée porter sur le respect de certains lieux communs postmodernes tels que le multiculturalisme ou une certaine historiographie, considérés comme impératifs dans la communication intellectuelle d'aujourd'hui. En règle générale, et dans la langue française, prononcer l'expression "politiquement correct" déclenche souvent le processus d'association cognitive et fait penser aux expressions tels que "la police de la pensée," "la langue de bois" et "la pensée unique". Or si ces dernières notions ont ailleurs qu'en France, en Europe comme en Amérique, des équivalents, ceux- ci n'y possèdent pas sur le plan lexical la même porte émotive. Ainsi par exemple, lorsque les Allemands veulent designer le langage communiste, ils parlent de "Betonsprache" ("langue de béton"), mais la connotation censoriale de la locution française "langue de bois" n'y est pas rendue. Quant à la "pensée unique," elle reste sans équivalant hors du français, étant intraduisible en anglais ou en allemand ; seule le vocable slave "jednoumlje" - terme en vogue chez les journalistes et écrivains russes, croates ou chèques - possède la même signification.1 En comparaison de l'Europe, les Etats-Unis, bien qu'étant un pays fort sécularisé, restent néanmoins très marqués par de « grands récits » moralistes issus de la Bible ; aucun autre pays sur terre n'a connu un tel degré d'hypermoralisme parabiblique, dans lequel Arnold Gehlen voit « une nouvelle religion humanitaire ».2 Cependant après la deuxième guerre mondiale, le langage puritain a subi une mutation profonde au contact du langage marxiste en usage en Europe, véhiculé par les intellectuels de l'Ecole de Francfort, ou inspirés par eux, réfugiés aux Etats-Unis et plus tard installés dans les grandes écoles et universités occidentales. Ce sont eux qui après la guerre ont commencé à agir dans les médias et dans l'éducation en Europe, et qui ont joué un rôle décisif dans l'établissement de la pensée unique. C'est donc de la conjonction entre l'hypermoralisme américain et les idées freudo-marxistes issues de ce milieu qu'est né le phénomène actuel du politiquement correct. On sait que les Etats-Unis n'ont jamais eu comme seule raison la conquête militaire, mais ont cultivé le désir d'apporter aux mal-pensants, qu'ils fussent indiens, nazis, communistes, et aujourd'hui islamistes, l'heureux message du démocratisme à la mode américaine, même avec l'accompagnement du bombardement massif des populations civiles. Cet objectif s'est largement réalisé vers la fin de la deuxième guerre mondiale, quand l'Amérique, comme principale grande puissance, s'installa dans son rôle de rééducatrice de la vieille Europe. Et dans les années ultérieures, le lexique américain, dans sa version soft et libéralo-puritaine, jouera même un rôle beaucoup plus fort par le biais des médias occidentaux que la langue de bois utilisée par les communistes est-européens et leurs sympathisants. Au vingtième siècle cependant, l'héritage calviniste a perdu son contenu théologique pour se transformer en un moralisme pur et dur prônant l'évangile libéral des droits de l'homme et le multiculturalisme universel.

Dès la fin des hostilités, un grand nombre d'agents engagés par le gouvernement du président Harry Truman furent donc envoyés en Europe afin de rectifier les esprits, et notamment les tendances autoritaires supposées inhérentes au modèle familial européen. Parmi ces pédagogues figuraient un certain nombre d'intellectuels américains issus de la WASP et imprégnés d'esprit prédicateur, mais aussi des éléments de tendance marxiste dont les activités s'inscrivaient dans le sillage de l'Ecole de Francfort. Pour les uns et les autres, guérir les Allemands, et par extension tous les Européens, de leurs maux totalitaires fut le but principal.3 Tous se croyaient choisis par la providence divine - ou le déterminisme historique marxiste - pour apporter la bonne nouvelle démocratique à une Europe considérée comme une région à demi-sauvage semblable au Wilderness de l'Ouest américain du passé. Le rôle le plus important fut néanmoins joué par l'Ecole de Francfort, dont les deux chefs de file, Theodor Adorno et Max Horkheimer, avaient déjà jeté les bases d'une nouvelle notion de la décence politique. Dans un ouvrage important qu'il dirigea,4 Adorno donnait la typologie des différents caractères autoritaires, et introduisait les nouveaux concepts du langage politique. Il s'attaquait surtout aux faux démocrates et « pseudo conservateurs » et dénonçait leur tendance à cacher leur antisémitisme derrière les paroles démocratiques.5 D'après les rééducateurs américains, « la petite bourgeoisie allemande avait toujours montré son caractère sadomasochiste, marqué par la vénération de l'homme fort, la haine contre le faible, l'étroitesse de cœur, la mesquinerie, une parcimonie frisant l'avarice (dans les sentiments aussi bien que dans les affaires d'argent) ».6 Dans les décennies qui suivirent, le seul fait d'exprimer un certain scepticisme envers la démocratie parlementaire pourra être assimilé au néonazisme et faire perdre ainsi le droit à la liberté de parole. Lorsque le gouvernement militaire américain mit en ouvre la dénazification,7 il employa une méthode policière de ce genre dans le domaine des lettres et de l'éducation allemande. Mais cette démarche de la part de ses nouveaux pédagogues n'a fait que contribuer à la montée rapide de l'hégémonie culturelle de la gauche marxiste en Europe. Des milliers de livres furent écartés des bibliothèques allemandes ; des milliers d'objets d'art jugés dangereux, s'ils n'avaient pas été détruits au préalable au cours des bombardements alliés, furent envoyés aux Etats-Unis et en Union soviétique. Les principes démocratiques de la liberté de parole ne furent guère appliqués aux Allemands puisqu'ils étaient en somme stigmatisés comme ennemis de classe de la démocratie. Particulièrement dur fut le traitement réservé aux professeurs et aux académiciens. Puisque l'Allemagne national-socialiste avait joui du soutien (bien que souvent momentané) de ces derniers, les autorités américaines de rééducation à peine installées se mirent à sonder les auteurs, les enseignants, les journalistes et les cinéastes afin de connaître leurs orientations politiques. Elles étaient persuadées que les universités et autres lieux de hautes études pourraient toujours se transformer en centres de révoltes. Pour elles, la principale tare des universités pendant l’IIIe Reich avait été une spécialisation excessive, creusant un gouffre entre les étudiants comme élite, et le reste de la société allemande. L'éducation universitaire aurait donc transmis la compétence technique tout en négligeant la responsabilité sociale de l'élite vis-à-vis de la société.8 Les autorités américaines firent alors remplir aux intellectuels allemands des questionnaires restés fameux, qui consistaient en des feuilles de papiers contenant plus de cent demandes visant tous les aspects de la vie privée et sondant les tendances autoritaires des suspects. Les questions contenaient souvent des erreurs et leur message ultramoraliste était souvent difficile à comprendre pour des Allemands.9 Peu à peu les mots « nazisme » et « fascisme », subissant un glissement sémantique, se sont métamorphosés en simples synonymes du mal et ont été utilisés à tort et à travers. La « reductio ad hitlerum » est alors devenue un paradigme des sciences sociales et de l'éducation des masses. Tout intellectuel osant s'écarter du conformisme en quelque domaine que ce fût risquait de voir ses chances de promotion étouffées. C'est donc dans ces conditions que les procédures de l'engineering social et l'apprentissage de l'autocensure sont peu à peu devenues la règle générale dans l'intelligentsia européenne. Bien que le fascisme, au début du troisième millénaire, ne représente plus aucune menace pour les démocraties occidentales, tout examen critique, aussi modeste soit-il, de la vulgate égalitaire, du multiculturalisme et de l'historiographie dominante risque d'être pointé comme « fasciste » ou « xénophobe ». Plus que jamais la diabolisation de l'adversaire intellectuel est la pratique courante du monde des lettres et des médias. L'Allemagne forme certes un cas à part, dans la mesure où sa perception des Etats-Unis dépend toujours de celle que les Allemands sont obligés d'avoir d'eux-mêmes, comme des enfants auto-flagellants toujours à l'écoute de leurs maîtres d'outre-Atlantique. Jour après jour l'Allemagne doit faire la preuve au monde entier qu'elle accomplit sa tâche démocratique mieux que son précepteur américain. Elle est tenue d'être le disciple servile du maître, étant donné que la « transformation de l'esprit allemand (fut) la tâche principale du régime militaire ».10 Voilà pourquoi, si l'on veut étudier la généalogie du politiquement correct tel que nous le connaissons, on ne peut pas éviter d'étudier le cas de l'Allemagne traumatisée. Et cela d'autant plus qu'en raison de son passé qui ne passe pas, l'Allemagne applique rigoureusement ses lois contre les intellectuels mal-pensants. En outre, l'Allemagne exige de ses fonctionnaires, conformément à l'article 33, paragraphe 5 de sa Loi fondamentale, l'obéissance à la constitution, et non leur loyauté envers le peuple dont ils sont issus.11 Quant aux services de défense de la Constitution (Verfassungschutz), dont la tâche est la surveillance du respect de la Loi fondamentale, ils incluent dans leur mission de veiller à la pureté du langage politiquement correct : « Les agences pour la protection de la constitution sont au fond des services secrets internes dont le nombre s'élève à dix-sept (une au niveau de la fédération et seize autres pour chaque Land fédéral constitutif) et qui sont qualifiées pour détecter l'ennemi intérieur de l'Etat ».12 Puisque toutes les formes d'attachement à la nation sont mal vues en Allemagne en raison de leur caractère jugé potentiellement non-démocratique et néonazi, le seul patriotisme permis aux Allemands est le « patriotisme constitutionnel ». La nouvelle religion du politiquement correct est peu à peu devenue obligatoire dans toute l'Union européenne, et elle sous-entend la croyance dans l'Etat de droit et dans la « société ouverte ». Sous couvert de tolérance et de respect de la société civile, on pourrait imaginer qu'un jour un individu soit déclaré hérétique du fait, par exemple, d'exprimer des doutes sur la démocratie parlementaire. De plus, en raison de l'afflux des masses d'immigrés non-européens, la loi constitutionnelle est également sujette à des changements sémantiques. Le constitutionnalisme allemand est devenu « une religion civile » dans laquelle « le multiculturalisme est en train de remplacer le peuple allemand par le pays imaginaire de la Loi fondamentale ».13 Par le biais de cette nouvelle religion civique l'Allemagne, comme d'autres pays européens, s'est maintenant transformée en une théocratie séculière.

Sans cette brève excursion dans le climat du combat intellectuel d'après-guerre il est impossible de comprendre la signification actuelle du politiquement correct. La récente promulgation de la nouvelle législation européenne instituant un « crime de haine » est ainsi appelée à se substituer aux législations nationales pour devenir automatiquement la loi unique de tous les Etats de l'Union européenne. Rétrospectivement, cette loi supranationale pourrait être inspirée du code criminel de la défunte Union soviétique ou de celui l'ex-Yougoslavie communiste. Ainsi, le Code criminel yougoslave de 1974 comportait une disposition, dans son article 133, portant sur « la propagande hostile ». Exprimée en typique langue de bois, une telle abstraction sémantique pouvait s'appliquer à tout dissident - qu'il se soit livré à des actes de violence physique contre l'Etat communiste ou qu'il ait simplement proféré une plaisanterie contre le système. D'après le même code, un citoyen croate, par exemple, se déclarant tel en public au lieu de se dire yougoslave pouvait se voir inculper d'« incitation à la haine interethnique », ou bien comme « personne tenant des propos oustachis », ce qui était passible de quatre ans de prison.14 Il faudra attendre 1990 pour que cette loi soit abrogée en Croatie. A l'heure actuelle le Royaume-Uni témoigne du degré le plus élevé de liberté d'expression en Europe, l'Allemagne du plus bas. Le Parlement britannique a rejeté à plusieurs reprises la proposition de loi sur « le crime de haine », suggérée par divers groupes de pression - ce qui n'empêche pas les juges britanniques d'hésiter à prononcer de lourdes peines contre les résidents d'origine non-européenne par crainte d'être accusés eux-mêmes de cultiver un « préjugé racial ». Ainsi, indépendamment de l'absence de censure légale en Grande-Bretagne, un certain degré d'autocensure existe déjà. Depuis 1994, l'Allemagne, le Canada et l'Australie ont renforcé leur législation contre les mal-pensants. En Allemagne, un néologisme bizarre (Volkshetze : « incitation aux ressentiments populaires »), relevant de l'article 130 du Code pénal, permet d'incriminer tout intellectuel ou journaliste s'écartant de la vulgate officielle. Vu le caractère général de ces dispositions, il devient facile de mettre n'importe quel journaliste ou écrivain en mauvaise posture, d'autant plus qu'en Allemagne il existe une longue tradition légale tendanciellement liberticide d'après laquelle tout ce qui n'est pas explicitement permis est interdit. Quant à la France, elle comporte un arsenal légal analogue, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi Fabius-Gayssot adoptée le 14 juillet 1990 - sur proposition d'un député communiste, mais renforcée à l'initiative du député de droite Pierre Lellouche en décembre 2002. Cette situation se généralise dans l'Union européenne,15 en comparaison de quoi, paradoxalement, les pays postcommunistes connaissent encore un plus grand degré de liberté d'expression, même si en raison de la pression croissante de Bruxelles et de Washington cela est en train de changer. En Europe communiste, la censure de la pensée avait un gros avantage. La répression intellectuelle y était tellement vulgaire que sa violente transparence donnait à ses victimes l'aura des martyrs. La fameuse langue de bois utilisée par les communiste débordait d'adjectifs haineux au point que tout citoyen pouvait vite se rendre compte da la nature mensongère du communisme. En outre, comme la Guerre froide, vers la fin des années 1940, avait commencé à envenimer les rapports entre l'Est communiste et l'Ouest capitaliste, les élites occidentales se crurent moralement obligées de venir en aide aux dissidents est-européens, et cela moins en raison de leurs vues anticommunistes que pour prouver que le système libéral était plus tolérant que le communisme. Nul n'en sut profiter mieux que les architectes libéraux du langage politiquement correct. En cachant leurs paroles démagogiques derrière les vocables de « démocratie », « tolérance » et « droits de l'homme » ils ont réussi à neutraliser sans aucune trace de sang tout opposant sérieux. Le langage médiatique a été également sujet à des règles hygiéniques imposées par les nouveaux princes de vertus. L'emploi châtré des structures verbales qui se sont propagés à travers toute l'Europe reflète des avatars puritains sécularisés si typiques autrefois des autorités militaires américaines dans l'Allemagne d'après-guerre. De nouveaux signifiants se font incessamment jour pour permettre à la classe dirigeante, ayant peur pour ses sinécures, de cacher ainsi ses propres signifiés privés. A-t-on jamais tant parlé en Amérique et en Europe de tolérance, a-t-on jamais tant prêché la convivialité raciale et l'égalitarisme de tous bords alors que le système entier déborde de toutes formes de violences souterraines et de haines mutuelles? L'idéologie antifasciste doit rester un argument de légitimité pour tout l'Occident. Elle présuppose que même s'il n'y a plus aucun danger fasciste, son simulacre doit toujours être maintenu et brandi devant les masses. Partout en Europe, depuis la fin de la Guerre froide, l'arène sociale doit fonctionner comme un prolongement du marché libre. L'efficacité économique est vue comme critère unique d'interaction sociale. Par conséquent, les individus qui se montrent critiques au sujet des mythes fondateurs du marché libre ou de l'historiographie officielle sont automatiquement perçus comme ennemis du système. Et à l'instar du communisme, la vérité politique en Occident risque d'être davantage établie par le code pénal que par la discussion académique. De plus, aux yeux de nouveaux inquisiteurs, l'hérétique intellectuel doit être surveillé - non seulement sur la base de ce qu'il dit ou écrit, mais sur celle des personnes qu'il rencontre. La « culpabilité par association » entrave gravement toute carrière, et ruine souvent la vie du diplomate ou du politicien. N'importe quelle idée qui vise à examiner d'une manière critique les bases de l'égalitarisme, de la démocratie et du multiculturalisme, devient suspecte. Même les formes les plus douces de conservatisme sont graduellement poussées dans la catégorie « de l'extrémisme de droite ». Et ce qualificatif est assez fort pour fermer la bouche même aux intellectuels qui font partie du système et qui ont eux-mêmes participé dans la passé à la police de la pensée. « Il y a une forme de political correctness typiquement européenne qui consiste à voir des fascistes partout » écrit ainsi Alain Finkielkraut.16 Le spectre d'un scénario catastrophique doit faire taire toutes les voix divergentes. Si le « fascisme » est décrété légalement comme le mal absolu, toutes les aberrations du libéralisme sont automatiquement regardées comme un moindre mal. Le système libéral moderne de provenance américaine est censé fonctionner à perpétuité, comme une perpetuum mobile.17 L'Occident dans son ensemble, et paradoxalement l'Amérique elle-même, sont devenus des victimes de leur culpabilité collective, qui a comme origine non tant le terrorisme intellectuel que l'autocensure individuelle. Les anciens sympathisants communistes et les intellectuels marxistes continuent à exercer l'hégémonie culturelle dans les réseaux de fabrication de l'opinion publique. Certes, ils ont abandonné l'essentiel de la scolastique freudo-marxiste, mais le multiculturalisme et le globalisme servent maintenant d'ersatz à leurs idées d'antan. La seule différence avec la veille est que le système libéralo-américain est beaucoup plus opérationnel puisqu'il ne détruit pas le corps, mais capture l'âme et cela d'une façon beaucoup plus efficace que le communisme. Tandis que le citoyen américain ou européen moyen doit supporter quotidiennement un déluge de slogans sur l'antiracisme et le multiculturalisme, qui ont acquis des proportions quasi-religieuses en Europe, les anciens intellectuels de tendance philo-communiste jadis adonnés au maoïsme, trotskisme, titisme, restent toujours bien ancrés dans les médias, l'éducation et la politique. L'Amérique et l'Europe s'y distinguent à peine. Elles fonctionnent d'une manière symbiotique et mimétique, chacune essayant de montrer à l'autre qu'elle n'accuse aucun retard dans la mise en place de la rhétorique et de la praxis politiquement correctes. Autre ironie de l'histoire : pendant que l'Europe et l'Amérique s'éloignent chronologiquement de l'époque du fascisme et du national-socialisme, leur discours public évolue de plus en plus vers une thématique antifasciste. Contrairement à la croyance répandue, le politiquement correct, en tant que base idéologique d'une terreur d'Etat, n'est pas seulement une arme aux mains d'une poignée de gangsters, comme nous l'avons vu en ex-Union Soviétique. La peur civile, la paresse intellectuelle créent un climat idéal pour la perte de liberté. Sous l'influence conjuguée du puritanisme américain et du multiculturalisme de tendance postmarxiste européen, le politiquement correct est devenu une croyance universelle. L'apathie sociale croissante et l'autocensure galopante ne nous annoncent pas de nouveaux lendemains qui chantent.

Notes


  1. Force est de constater que les Européens de l'Est semblent avoir fort bien appris à désigner les pièges de l'homo sovieticus. Voir James Gregor, Metascience and Politics: An Inquiry into the Conceptual Language of Political Science (New Brunswick: Transaction Publishers, 2004), pp. 282- 292, où se trouvent décrites les "locutions normatives" du langage proto-totalitaire 

  2. Arnold Gehlen, Moral und Hypermoral (Vittorio Klostermann GmbH, Francfort 2004, p. 78). 

  3. Cf. Paul Gottfried, The Strange Death of Marxism, University of Missouri Press, Columbia-Londres, 2005, p. 108. Voir également Frances Stonor Saunders, Qui mène la danse? La CIA et la guerre froide culturelle, Denoël 2003. 

  4. Theodor Adorno (with Else Frenkel-Brunswick, Daniel J. Levinson, R. N. Sanford), The Authoritarian Personality (Harper and Brothers, New York 1950, pp. 780-820). 

  5. Le langage déconstructiviste promu par l'École de Francfort a récemment été critiqué par Kevin McDonald qui observe dans les analyses d'Adorno une diffamation de la culture européenne, tout « ethnocentrisme européen étant interprété comme un signe de pathologie ». Kevin MacDonald, The Culture of Critique: An Evolutionary Analysis of Jewish Involvement in Twentieth Century Intellectual and Political Movement (Praeger Publications, Westport CT, 1998, repris par Authorhouse, Bloomington 2002, p. 193). 

  6. Caspar Schrenck-Notzing, Characterwäsche (Seewald Verlag, Stuttgart 1965, p. 120). 

  7. La dénazification (Entnazifizierung) avait été expressément décidée lors de la conférence de Yalta (février 1945). Elle fut menée selon un critère de classe en zone soviétique, rapidement confiée aux soins de juges allemands en zones française et britannique, mais directement exercée par des agents américains dans la zone relevant de leur responsabilité, de manière tellement étendue qu'elle finit par s'étouffer elle-même. 

  8. Manfred Heinemann, Ulrich Schneider, Hochschuloffiziere und Wiederaufbau des Hochschulwesens in Westdeutschland,1945 â€" 1952 (Bildung und Wissenschaft, Bonn 1990), pp. 2-3 and passim. Voir Die Entnazifizierung in Baden 1945-1949 (W. Kohlhammer Verlag, Stuttgart 1991) concernant les épurations des enseignants allemands par les autorités françaises dans la région allemande de Baden. Entre 35 % et 50 % des enseignants dans la partie de l'Allemagne contrôlée par les Américains ont été suspendus d'enseignement. Le pourcentage des enseignants épurés par les autorités françaises s'élevait à 12-15 %. Voir Hermannâ€"Josef Rupieper, Die Wurzeln der westdeutschen Nachkriegesdemokratie (Westdeutscher Verlag, 1992), p. 137. 

  9. Le romancier et ancien militant national-révolutionnaire Ernst von Salomon décrit cela dans son roman satirique Der Fragebogen, et montre comment les « nouveaux pédagogues » américains arrachaient parfois des confessions à leurs prisonniers avant de les bannir ou même de les expédier à l'échafaud. 

  10. Caspar Schrenck-Notzing, op. cit., p 140. 

  11. Cf. Josef Schüsslburner, Demokratie-Sonderweg Bundesrepublik, Lindenblatt Media Verlag, Künzell, 2004, p. 631. 

  12. Ibid., p. 233. 

  13. Ibid., p. 591. 

  14. Tomislav Sunic, Titoism and Dissidence, Peter Lang, Francfort, New York, 1995. 

  15. Ainsi, sur proposition initiale du conseiller spécial du gouvernement britannique Omar Faruk, l'Union européenne s'apprête-t-elle à éditer un lexique politiquement correct destiné aux dirigeants officiels européens impliquant de distinguer soigneusement entre islam et islamisme, et de ne jamais parler, par exemple, de « terrorisme islamique » (source: www.islamonline.net/English/News/2006-04/11/article02.shtml

  16. Alain Finkielkraut, « Résister au discours de la dénonciation » dans Journal du Sida, avril 1995. Voir « What sort of Frenchmen are they? », entrevue avec Alain Finkielkraut in Haaretz, le 18 novembre 2005. A. Finkielkraut fut interpellé suite à cet entretien par le MRAP, le 24 novembre, pour ses propos prétendument anti-arabes. Le 25 dans Le Monde, il présente ses excuses pour les propos en question. 

  17. Alain de Benoist, Schöne vernetzte Welt, « Die Methoden der Neuen Inquisition » (Hohenrain Verlag, Tübingen 2001, pp. 190-205). 

Der Balkankrieg – im Westen missverstanden (den 29 Januar 1994 ~ Frankfurter Allgemeine Zeitung)

Der endlose Krieg in Bosnien und Herzegowina sowie in Teilen des serbisch besetzen Kroatien sollte uns an Moltke erinnern, der am 14. Mai 1890, in der Reichstagssitzung, gesagt hat: „Wenn ein Krieg zum Ausbruch kommt, so ist seine Dauer und sein Ende nicht abzusehen... Es kann siebenjähriger, es kann auch ein dreißigjähriger Krieg werden.” Wer hätte es glauben können, dass die Logik des Krieges in Kroatien, und später auch in Bosnien und Herzegowina, trotz einer Menge internationaler „Sachverständiger“ und „Experten“, immer wieder ein neues Kapitel des Grauens öffnen würde? Die Maastricht-Politiker und die Diplomaten der Vereinten Nationen scheinen so mit komplexen Verhältnissen des mitteleuropäischen und südosteuropäischen Multikultur-Mosaiks überfordert zu sein, so dass das Schlagwort „Balkansyndrom“ oft als ein nettes Alibi für ihr eigenes Nichtstun benutzt wird.


Seltsamerweise gibt es drei Jahre nach dam Zerfall des hybriden Zwangsstaates keine klare Definition der Ursache dieses Krieges, der Motive des Aggressors beziehungsweise Lebensinteressen des Opfers und einer möglichen Losung des Konflikts. Paradoxerweise wandelt sich der Krieg, der 1991 als klassische Aggression Serbiens gegen Kroatien und Slowenien begann, zu einem „Missverständnis-Krieg“, nicht nur zwischen den Kriegsparteien in Bosnien, sondern auch inmitten der Vermittler der Europäischen Gemeinschaft und der Vereinten Nationen. Vielleicht wäre es notwendig, den rechten Staatsrechtler Carl Schmitt zu zitieren oder den linken Exguerrillero Régis Debray zu lesen, um zu verstehen, dass deren wohlmeinender juristischer Formalismus wenig zur raschen Beendigung des Krieges beigetragen hat. Die selbst verursachte Paralyse der Weltvermittler im dauernden Balkanchaos erzeugt natürlich das inoffizielle und weitverbreitete Klischee, dass „alle Seiten in Bosnien und Herzegowina die Verantwortung für den Krieg tagen“ – seinen es die einstigen Opfer, Kroaten und Muslime, seien es die einstigen Aggressoren, die Serben. Doch manche Einzelheiten bedürfen eines größeren methodologischen Kontextes, um diese endlose Tragödie im Herzen Europas zu verstehen, besonders heute, nach der neuesten Vereinbarung Serbiens und Kroatiens in Genf über eine mögliche zwischenstaatliche Anerkennung.


Auf der einen Seite drängten internationale Vermittler und manche westliche Meinungsmacher Kroatien und dessen Oberhaupt Dr. Franjo Tudjman zu endlosen Verhandlungen mit dem Serben Slobodan Milosevic. Auf der anderen Seite verdächtigen immer wieder manche Politiker und Meinungsmacher Tudjman wegen seiner angeblichen geheimen Vereinbarung mit Milosevic auf Kosten der bosnischen Muslime. Die Aufteilung Bosniens und der Herzegowina zwischen Kroatien und Serbien war nicht im geopolitischen Interesse Kroatiens. Wäre dies der Wunsch der kroatischen Regierung gewesen; hätte Kroatien nie als erstes Land der Welt die Souveränität Bosnien und der Herzegowina anerkannt. Hätte Kroatien die Herzegowina annektiert, wäre der serbische Eroberungsappetit in Bosnien und in den angrenzenden serbisch besetzten Gebieten Kroatiens such auf eine gewisse Weise legitimiert worden. Es sollte ein Anliegen der Vermittler der Europäischen Gemeinschaft sowie der Vereinten Nationen sein, das künftige Staatsgefüge Bosnien und Herzegowina zu präzisieren – so schnell wie möglich. Es ist eine Ironie, dass jede neue Resolution der Vereinten Nationen völkerrechtlich die vorhergehende Resolution aufzuheben scheint.


Auf dem Terrain der Tagespolitik suchen jetzt die einstigen Opfer des Krieges in Bosnien beziehungsweise die bosnischen Muslime einen Ersatz für ihre durch die Serben verursachten territorialen Verluste. Da die internationale Gemeinschaft vor zwei Jahren nicht imstande war, die serbischen Aggression einzudämmen und den Krieg zu stoppen, wenden sich jetzt die Muslimkämpfer gegen ihre einstigen kroatischen Helfer und Verbündeten. Zweifellos ist es für die Muslime viel leichter, relativ wenige bosnische Kroaten zu bekämpfen, als die zahlreichen und gut befestigten serbischen Stellungen in Bosnien zurückzuerobern. Die Kroatien in Bosnien und der Herzegowina haben 40 Prozent der Gebiete verloren, in denen sie seit hundert Jahren gewohnt haben. Seltsamerweise haben Massaker an kroatischen Zivilisten in den bosnischen Ortschaften Kiseljak, Maljine, Doljani, Uzdol, Krizancevo, und so weiter, die von muslimischen Militärverbänden verübt wurden, kein großes Echo in der Welt heraufbeschworen.


Um die surreale Situation in Bosnien zu verstehen, sollte man sich auch vor Augen halten, dass Kroatien heute mehr als 150 000 muslimische Flüchtlinge aus Bosnien versorgt und beherbergt, deren männliche Angehörige aller Wahrscheinlichkeit nach gegen Kroaten in Bosnien kämpfen – ganz zu schweigen von der halben Million aus serbisch besetzten Gebieten vertriebenen Kroaten, für die gesorgt werden muss. Was sollte Kroatien eigentlich tun angesichts der Bosnien-Frage, Flüchtlingsfrage und nicht zuletzt der sogenannten Krajina-Frage? Seit drei Jahren wiederholt Präsident Tudjman, dass der Krieg ausschließlich mit friedlichen Mitteln und mit Hilfe der Vermittler der Vereinten Nationen und der Europäischen Gemeinschaft beendet werden soll. Für seinen guten Willen und seine Kooperationsbereitschaft erntete Kroatien Vorwürfe und Kriminalisierungen. Sollte es auf das falsche Pferd gesetzt haben, als es sein Anliegen der demokratischen Selbstbestimmung dem Westen anvertraute?

Professor Dr. Tomislav Sunic
Informationsabteilung des Außenministeriums, Zagreb, Kroatien

La logique du pire dans les Balkans ( 07.03.1994 ~ Tribune Libre Le Journal de Montréal )

L’interminable guerre en Bosnie-Herzégovine et dans les régions de Croatie occupées par les Serbes voit actuellement se multiplier des souffrances affreuses. En même temps, la situation devient de plus en plus confuse, voire totalement incompréhensible, pour les observateurs extérieurs. Trois ans après l’éclatement violent de l’état hybride yougoslave, les organisations internationales ne semblent être d’accord ni sure les causes du conflit, ni sur les motifs de l’agresseur, ni sur les intérêts des victimes. Le formalisme juridique de l’ONU et les volte-face des médiateurs ajoutent encore à cette obscurité. Finalement, l’idée se répand que « toutes les parties sont responsables » du conflit, qu’il s’agisse des victimes ou de leurs agresseurs. On serait tenté de citer le juriste allemand Carl Schmitt, ou les travaux de Régis Debray pour comprendre pourquoi l’indécision de la classe politique européenne n’a pas contribué à la résolution rapide du conflit. Cette interprétation pessimiste du conflit nécessite au moins de mettre quelques détails en perspective, surtout après la récente déclaration de Genève sur une éventuelle reconnaissance mutuelle entre la Serbie et la Croatie. D’un côté, maints médiateurs internationaux, ainsi que quelques journalistes mal informés, exigent que le président croate Franjo Tudjman se livre à d’interminables tête à tête avec son homologue serbe, Slobodan Milosevic. De l’autre, maints politiciens et journalistes soupçonnent en même temps Tudjman d’utiliser ses rencontres avec Milosevic pour « comploter » secrètement contre les musulmans bosniaques. Le partage de la Bosnie-Herzégovine entre la Serbie et la Croatie n’a jamais été dans les intérêts géopolitiques de la Croatie. Si la Croatie avait voulu le dépeçage de la Bosnie-Herzégovine, elle n’aurait jamais été le premier pays dans le monde à avoir reconnu la souveraineté de ce pays. De plus, l’annexion des régions de la Herzégovine peuplées par une majorité de Croates n’aurait pas manqué de légitimer du même coup les appétits serbes dans les régions occupées de Croatie. C’est donc à l’ONU et à la CEE de définir leur rôle et de préciser aussi vite que possible les structures étatiques de la Bosnie-Herzégovine future. Or, l’ironie macabre de ce conflit veut que jusqu'à présent, chaque nouvelle résolution prise par l’ONU du point de vue du droit international ait annulé la précédente. Sur le terrain, les premières victimes de la guerre en Bosnie-Herzégovine, à savoir les musulmans bosniaques, cherchent aujourd’hui un ersatz de territoire pour compenser celui qui a été conquis par les envahisseurs serbes. Vu que la communauté internationale à peu fait pour endiguer l’agression serbe, les musulmans se retournent donc logiquement contre leurs anciens alliés croates. Il leur est en effet beaucoup plus facile de combattre les faibles positions croates en Bosnie centrale, que de recapture leurs positions conquises par les Serbes. Ceux qui doivent en payer les frais sont encore une fois les Croates bosniaques qui ont déjà perdu au cours de la dernière année 40% de leur territoire au profit des milices musulmanes. Les massacres de civils croates qui furent perpétrés par les milices musulmanes dans les villages croates Doljani, Krizancevo, Maljine et Uzdol, échappent curieusement à l’œil des divers medias étrangers. Pour saisir le caractère surréel de la situation en Bosnie-Herzégovine, on pourrait faire remarquer que la Croatie se charge actuellement de plus de 150 000 réfugiés musulmans bosniaques, lointains cousins de ceux qui combattent les Croates bosniaques ! Faut-il par ailleurs rappeler que la Croatie doit également s’occuper d’un demi-million de réfugiés croates chassées de leur foyer par les agresseurs serbes ? Que peut donc faire la Croatie à elle seule ? Depuis trois ans, le président Franjo Tudjman ne cesse de répéter que la guerre en Croatie et en Bosnie-Herzégovine doit être résolue par les moyes pacifiques et avec l’aide de l’ONU et de la CEE. En raison de volonté de coopération, la Croatie n’a pas manqué d’être l’objet de critiques diverses. Stigmatisée autrefois comme pays « fascinant », elle risque aujourd’hui d’être cataloguée comme pais « antimusulmans ». A-t-elle donc misé sur le mauvais cheval quand elle a confié ses aspirations démocratiques à l’Occident ?

Tomislav Sunic
Ministère des Affaires étrangères
Département de la Culture
Zagreb, Croatie

Späte Einsicht in Serbien (14. August 1992, Nr. 187 / Seite 57 ~ Neue Zürcher Zeitung Freitag)

Die Demonstrationen der serbischen Intellektuellen und Oppositionsparteien gegen Slobodan Milosevic, so lobenswert sie sein mögen, kommen leider zu spät. Die serbische Akademie der Kunst und Wissenschaft, die heute die Proteste anführt, hat eine sehr fragwürdige Geschichte. Die Akademie hat 1986 ein Memorandum entworfen, in dem die bekannten serbischen Akademiker die Schaffung Groß-Serbiens sowie die „ethnische Reinigung“ Kosovos empfahlen. Die serbische orthodoxe Kirche hat trotz ihrer neugefundenen Protesthaltung jahrzehntelang Stillschweigen und ein niedriges Profil vorgezogen. Sie hat nie die Repression gegen die Kosovo-Albaner verurteilt, und letztes Jahr hat sie mit keinem einzigen Wort die Invasion der jugoslawischen Armee in Kroatien kritisiert. Auch prominente serbische Intellektuelle waren fast alle stumm, als die jugoslawische Armee Dubrovnik bombardierte und Vukovar dem Erdboden gleichmachte. Der Wunsch der serbischen politischen und intellektuellen Klasse, alle serbischbesiedelten Gebiete in den Nachbarrepubliken Groß-Serbien einzuverleiben, kann gegenteilige Konsequenzen auch für die Serben haben. Wenn Serbien konsequent seine eigenen territorialen Ansprüche juridisch und historisch legitimieren will, sollte es auch Kosovo an Albanien, sowie einen Teil der Vojvodina an Ungarn übergeben. Mit ihrem Wahnwunsch, Groß-Serbien zu errichten, könnten alle Serben leicht in Klein-Serbien landen. Der Fall Jugoslawien weigt, dass die Multikulturutopien, wo immer sie sein mögen, nur mit Gewalt entstehen und bestehen können. Vielleicht lernt Amerika nach den Ereignissen in Los Angeles, das die Pathologie Jugoslawiens auch im eigenen Hause lauern kann. Vielleicht lernen das multikulturelle Marseille und Berlin etwas vom Kriege in Bosnien und Herzegowina.

Tomislav Sunic (Huntingdon, USA)

The Fear of More Terrible Conflicts in the Balkans (21 September 1993 ~ The Guardian)

Some members of the international community, along with some foreign media representatives, have recently criticised Croatia for its alleged mistreatment of Bosnian Muslims. Several details need to be put into perspective in order to comprehend this never-ending Balkan drama: 1. Croatia was the first country in Europe to recognise the sovereignty of Bosnia-Herzegovina. Given the important geopolitical position of this neighbouring state, it is in the paramount interest of Croatia to respect the integrity of Bosnia-Herzegovina. In fact, it is Mr. Izetbegovic, not the Croats, who has just recently signed the de facto partition of Bosnia and Herzegovina in his agreement with the Serb side. On her part, Croatia has also strongly urged all Bosnian Croat military units to allow free safe passage to all United Nations humanitarian convoys. 2. On the one hand of the international community, along with some journalists, is constantly pushing Croatia’s President Franjo Tudjman to endlessly negotiate with Serbia’s leader Slobodan Milosevic: on the other, it accuses Tudjman of setting secret deals with Milosevic. The carve-up of Bosnia-Herzegovina into three distinct and separate states is not in the security interest of Croatia, given that the disappearance of Bosnia-Herzegovina would automatically legitimise Serbian territorial appetites and Serb illicit territorial acquisitions in neighbouring Croatia. 3. And in whose interest is it to keep this terrible conflict going on in neighbouring Bosnia? Contrary to many false assumptions, the Muslim side and its leader, President Alija Izetbegovic, are not so keen to see the conflict come to an end. The Muslim side must recompense its earlier territorial losses to the Serb aggressor by making now impossible demands to the much weaker Bosnian Croats. Ironically, instead of turning their anger on the real Serbian military threat, Bosnia’s Muslims prefer taking on Bosnia’s Croats, while at the same time portraying themselves as the only hapless victims in the Balkan conflict. As a grotesque irony of this conflict, neighbouring Croatia is currently housing more than 170,000 Muslim refugees from Bosnia-Herzegovina, whose number has recently increased by over 50,000 Croats fleeing the Muslim military advances in central Bosnia-Herzegovina. 4. Apparently, many well-meaning European Community observers, as well as many foreign journalists, do not face insurmountable difficulties visiting Muslim areas and prisoners under Croatian control in southern Bosnia-Herzegovina, including the Croatian-held town of Mostar. Yet, they appear unable to make their way to over 150,000 Croats in central Bosnia, who have been encircled and shelled for several months by the Bosnian Muslim forces. 5. The Serb-held territories in Croatia are nominally under the UN jurisdiction. Yet the UN forces seldom attempt to stop the Serbian fighters from shelling nearby Croat towns and villages. Aside from dispensing much needed humanitarian aid, the UN forces in the Serb-occupied regions of Croatia should start finally implementing the numerous UN resolutions, and help the Croat government restore its full sovereignty within its internationally recognised borders. The Croatian government is doing its utmost to bring the bloody and complex Balkan conflict to an end. Yet, without strong and more forceful measures on the part of the UN and the EC, the conflict will only spread throughout the Balkans. To accuse the Croatian government of being equally responsible for this drama is an elegant to shrug off the UN and EC paralysis and failure to define the real aggressor. Instead of dealing with symptoms of the Balkan disease, the international community must first and foremost define the origin and cause of the disease, and treat the disease accordingly. Should they continue to fail, the stage will soon be set for more terrible conflicts to occur.

Tomislav Sunic
Foreign Media Advisor
Ministry of Foreign Affairs
Croatia

Croatia’s Role in Bosnia-Herzegovina (July 27, 1992 ~ The Christian Science Monitor)

Your editorial, "Croatia’s Sellout," July 10, seemed t o have been prompted more by your desire for evenhandedness than by the desire to objectively analyze the war in Bosnia-Herzegovina. Unlike Serbia, Croatia recognized the sovereignty, independence, and inviolability of Bosnia-Herzegovina. In contrast to Serbian Army offensive actions in Bosnia, Croat troops are conducting defensive actions. The Bosnian government has repeatedly asked for international help. Consequently the republic of Croatia has lent support to refugees in Croatia. Does anybody expect Croats in Bosnia-Herzegovina to preach pacifism – only to be routed and slaughtered, and later to be bewailed by vicarious United Nations world-improvers? Last year, when the Yugoslav Army attacked Croatia, Croats learned that the best way their new state can obtain recognition and deal with the aggressor is through military resistance. The decision by the Croats in Herzegovina to set up their own administrative region within Herzegovina must be put in perspective. This decision by no means suggests that Croats are carving up Bosnian territory. There has been no "secret" deal between Serbia and Croatia – as Serbian continuous shelling of Croat towns both in Herzegovina and Croatia demonstrates. By contrast, not a single town in Serbia has so far been attacked by Croat troops.

Tomislav Sunic, Ph.D. Huntingdon, Pa. Professor of Political Science Juniata College

For Yugoslavia, Breakup is the Best Answer (Saturday, 2 March 1991/ The New York Times)

To the Editor:

News reports reflecting the Bush Administration position may lead some to the conclusion that the unity of Yugoslavia needs to be preserved at all costs. Several arguments speak to the contrary. The issue of a federal Yugoslavia versus a confederal Yugoslavia, as put forward by Serbia and Croatia, respectively, is of an academic, but not a substantive nature. Had Serbia abided by the federal principles, many of today’s problems could have been avoided. Instead, federalism died in Yugoslavia in the early 1980’s when Serbia dismantled the autonomy of Kosovo province and declared martial law against ethnic Albanians. Nor did Serbia’s actions tame further ethnic passions; rather, they exacerbated nationalist demands in other parts of Yugoslavia. A parallel could be drawn with certain Soviet republics that, threatened by federal authority, automatically increased their claims for more autonomy. Given the already high proportion of Serbs in the diplomatic corps and the army, Serbian insistence on the preservation of a federal Yugoslavia will continue to be seen as a fig leaf for Serbian supremacy. Part of the problem lies in the decades of intransigence by the Yugoslav federal leadership to accommodate the initially modest demands of Croats, Albanians and Slovenes for a more equitable representation on the federal level. It would be unwarranted to assume that Croats or Slovenes have been bent on seceding from Yugoslavia all along. The often-heard argument among Western observers, including State Department officials, that independent Croatia or Slovenia would have no economic basis for survival as independent states misses the essential point. Rather than wondering whether Croatia and Slovenia can survive alone, one needs to ponder whether any Yugoslavia can continue to exist as a single state. A serious commitment on the part of all republics to restructuring Yugoslavia along confederal lines had, until recently, a chance of success. Today this option is no longer possible. Each confederation plan presupposes friendly relations among its ethnic constituents, not armed threats against one another. With all Yugoslav republics having voted Communism out of power – with the single exception of Communist Serbia – one wonders what is the point in keeping Yugoslavia together? The timely dissolution of Yugoslavia now appears the only solution to civil war. Those who placed high hopes in the Yugoslav experiment need to realize that the peaceful departure of its feuding peoples is far preferable to the violent imposition of military rule and the subjugation of one republic by another.

Tomislav Sunic, Assistant Professor, Political Science, Juniata College, Huntington, Pa., Feb. 10, 1991.

Link to the original article.

Les bourreaux nationalistes des Balkans (Jeudi 30 Juillet 1992 ~ Le Monde)

Les récentes manifestations politiques et intellectuelles de l’opposition serbe à Belgrade, dirigées contre le président Slobodan Milosevic, sont fort louables, mais elles viennent un peu tard. L’Académie serbe des sciences et des arts, présentée comme l’un des principaux initiateurs de ces manifestations, a un passé peu glorieux. En 1986, ne rédigeait-elle pas le célèbre « mémorandum » dont les signataires appelaient à la création de la « Grande Serbie » et à la « purification ethnique » du Kosovo ? L’Eglise orthodoxe serbe, également désignée comme force de résistance, a longtemps tenu le profil bas. L’a-t-on entendue condamner la répression anti-albanaise au Kosovo ou les premières agressions militaires de l’armée « yougoslave » contre la Croatie ? Quant aux intellectuels serbes, ils n’étaient guère nombreux à élever la voix lorsque les villes de Dubrovnik et de Vukovar agonisaient sous les bombes. La volonté d’agréger à la Grande Serbie les régions à minorité serbe des Républiques voisines aura n’en doutons pas, des conséquences néfastes pour la Serbie elle-même. Aujourd’hui la plus forte, elle laisse libre cours à ses appétits territoriaux. Mais demain, si le sort des armes lui est défavorable, qui empêchera les Albanais de réclamer le Kosovo ou les Hongrois d’annexer les territoires à forte population magyare ? à terme, la Grande Serbie que les politiciens serbes bâtissent dans le sang des peuples voisins pourrait bien devenir la Petite Serbie. Quant aux responsabilités des carnages de Bosnie-Herzégovine, que l’on tente d’attribuer au seul Slobodan Milosevic, elles sont pour le moins partagées. Le dictateur serbe n’est jamais que le produit d’une époque, produit fabriqué à Washington et à Paris autant qu’à Belgrade. Les gouvernements américain et français, en défendant naïvement – ou cyniquement – « l’unité et l’intégrité » yougoslaves (que leurs propres diplomaties avaient créées ex nihilo en 1919), on laisse s’envenimer la situation. Le proverbial « Slobo » n’est pas le seul bourreau des Balkans : aujourd’hui et depuis fort longtemps, des dizaines de petits « slobos » ont mis en place, politiquement et intellectuellement, l’engrenage de la violence.

Tomislav Sunic est professeur de sciences politiques au Juniata College de Huntington, en Pennsylvanie (Etats-Unis).

Menaces d’éclatement en Yougoslavie (le 2 Aout 1991 ~ Le Monde Diplomatique)

M. Tomislav Sunic, professeur de science politique au Juniata College, Pennsylvanie (Etats-Unis), nous écrit a propos de notre dossier « L’éclatement de la Fédération yougoslave est-il inéluctable ? », paru dans notre numéro de mai :

Face à une situation géopolitique fort imprévisible, il n’est pas étonnant que les gouvernements occidentaux préfèrent miser sur une Yougoslavie unifiée et intacte, bien que cela ait abouti – histoire à l’épreuve – à davantage de haine entre ses divers groupes ethniques. La Yougoslavie “forte et démocratique aux frontières inviolables”, comme on le laisse entendre à Bruxelles et à Paris, s’inscrit dans une logique jacobine secondée aujourd’hui par le nébuleux concept de global democracy cher a M. George Bush. Or la démocratie dans un pays multiethnique, en l’occurrence la Yougoslavie, ne veut pas dire grand chose. Dans un pays à composantes ethniques diverses, les droits des peoples prennent souvent le dessus sur les droits de l’homme, de même que les nationalismes sont souvent perçus comme le seul véritable moyen de conquérir la liberté. Pour un Serbe, se définir comme « yougoslave » signifie préserver la Serbie « piémontaise » dans une Yougoslavie centralisée, alors que pour un Croate le seule Yougoslavie acceptable ne saurait être qu’une alliance d’Etats indépendants. Tout compte fait, il ne s’agit plus d’un choix entre une Yougoslavie autoritaire et une Yougoslavie démocratique, mais plutôt entre la Yougoslavie et sa dissolution. La démocratisation de la Yougoslavie est en même temps le début de sa fin. Si dans le futur, faute de trouver une formule satisfaisante pour résoudre le problème de la poudrière balkanique, le Conseil de l’Europe devait avaliser la dissolution de la Yougoslavie et l’émergence à sa place de petits Etats indépendants, il est fort probable que cela soulèverait en chaîne de lourdes questions sur l’Europe de Versailles, entrainant, par suite, une déchirante révision de l’histoire européenne, l’examen du rôle du « double endiguement » (double containment) américain, etc. Quoi qu’il en soit, l’Europe de 1992 semble être embourbée dans le nombreuses contradictions ; d’une part, sa classe politique ne cesse de prêcher le droit a l’autodétermination pour tous les peuples européens ; d’autre part, elle insiste sur leur intégration rapide par le biais d’une philosophie néolibérale, nivellatrice de différences culturelles.

Naive Policy ( 22 October 1984 ~ The Sacramento Bee)

Your recent article “Soviets gain the upper hand in Yugoslav politics?” (Sept. 28) suggests naively that the crackdown on dissidents in Belgrade is due to the invisible hand of the Soviet Union, although no proofs of Soviet involvement were given by the article. American media portray Yugoslavia as “a liberal Communist country.” Although Amnesty International, based in London, has clearly established that in recent years the human rights violation in Yugoslavia is the worst in East Europe. The silent persecutions of intellectuals, ever since the Communist takeover in 1945, have been sponsored by the gullibility of American media and less direct Soviet involvement. The recent arrests made in Belgrade are just a side effect in view of the brutal pacification of Croatia in 1971, and the reign of terror against the Albanian minority in Kosovo Province. Since 1981 Kosovo Province has been under a state of siege, where no foreign journalists are allowed to travel. The massacre of Albanian students which left over 100 people dead passed completely unnoticed in the American media. The hypocrisy of the present administration is in the fact that it sees red only in the case of the Soviet Union. Meanwhile, Communist Yugoslavia is extolled as a “liberal country” opposing the Russian bear. Reagan should remember that Pol Pot’s Cambodia, Enver Hoxa’s Albania, and Tito’s Yugoslavia constitute a gang of “non-aligners,” yet all of them capable of legalizing Gulag practices in their own scenario. The massive American financial help to Communist Yugoslavia and the persistent eulogizing of Tito’s murderous practices clearly show that the administration’s primary concern is not anti-communism, but simply the sellout of Yugoslavia in the spirit of the Yalta agreement. By its awkward and cynical attitude toward the issue of Eastern Europe the present administration loses the respect and the hope of those having firsthand knowledge of Communism.